Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1839 > Novembre > 6

6 novembre [1839], mercredi, 11 h. ¼ du matin

Si courte qu’ait été ton apparition, mon adoré, elle m’a comblée de joie et je t’en remercie du fond de l’âme. Il me semble que si tu avais voulu, tu aurais pu la prolonger en déjeunant avec nous. Pourquoi n’avez-vous pas voulu ? Il fait bien beau ce matin et vous n’avez pas le droit, mon bel astre, de vous éclipser si tôt de mon horizon. Il est triste de penser que je ne vous verrai peut-être plus que ce soir. Je voudrais pouvoir recourir après vous pour vous prier de revenir encore un petit moment, ce serait une occasion de vous voir et d’être heureuse. Je vous aime, Toto. Je ne peux pas dire comment ni combien car je ne le sais pas moi-même : c’est infini. Je vais essayer ta [poudre  ?] ce matin mais rien qu’à l’œil je vois qu’elle est bonne. Au reste puisque l’autre te réussit bien et qu’elle t’est ordonnée par M. Louis, tu ferais bien de la continuer. À propos, mon cher bien-aimé, il faudra absolument répondre à Manière aujourd’hui si on peut, cet homme sait nos affaires et il est bon que nous ne le nous mettions pas à dos. Tu devrais bien aussi m’apporter un canif, j’ai des espèces de goupillons à la place de plumes. Je ne sais comment faire pour BIEN écrire. Je me donne beaucoup et mal et je n’y parviens pas. C’est bien malheureux. Si on donne Marion ce soir ou demain je te prierai en grâce d’y mener les pauvres enfants car en quinze jours de temps Claire ne sera sortiea qu’une fois et ce n’est vraiment pas assez pour des VACANCES. J’aime mon Toto, j’aime mon Toto, je l’adore, mon Toto. Baisez-moi et ne soyez pas jaloux. La lanterne est très jolie, tu la verras sur ma table. Malheureusement tout cela est arrangé comme des cheveux sur la soupe, et attend votre œil de MAITRE. Moi j’attends votre baiser et je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 19-20
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « n’aura sorti ».


6 novembre [1839], mercredi soir, 4 h. ½

Cher cher adoré petit homme, penses-tua à moi ? M’aimes-tu et vas-tu bientôt venir ? Si je pouvais courir après toi, mon pauvre bien-aimé, tu ne serais pas longtemps sans voir le bout de mon nez et sans sentir le chaud de mes baisers. Hélas il s’en faut du tout au tout que j’aie cette liberté et je suis réduite à vous désirer, à vous attendre et à souffrir d’impatience. Je t’aime, mon cher petit Toto. Je te le dis toujours et cependant il me semble que je suis en arrière avec mon cœur tant il est vrai qu’il est inépuisablement plein d’amour et de douces choses ; je n’ai vu personne aujourd’hui. Gérard n’est pas venu ni Lafabrègue non plus mais cela m’est égal, attendu que je n’ai pas besoin d’eux pour monter en diligence. MALHEUREUSEMENT n’oublieb pas mon adoré que tu m’as promis de me mener cette année voir toutes nos bonnes promenades des METZ ET DES ROCHES [1]. Aujourd’hui, il aurait fait presque assez beau pour cela. C’est bien malheureux que tu travailles tant. Cependant dès que ta pièce sera finie [2], je réclamerai l’exécution de ta promesse faite depuis plus de deux ans. Baise-moi en attendant et tâche de venir très tôt. J’ai acheté un poulet tantôt dans l’espoir que tu viendras souper ou déjeuner avec moi. On ne le fera cuire qu’à la dernière extrémité pour te forcer à venir. J’avais compté sur les bottes pour me donner un peu de bon temps mais j’avais compté sans mon AUTRE [3] et j’en suis pour mes frais d’attente. Il faudra bien cependant que mon tour arrive et je suis décidée à vous persécuter jusqu’à ce que vous m’ayez donné ce que vous me devez d’arriéré. Baisez-moi et préparez-vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 21-22
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « pense-tu ».
b) « n’oublies ».

Notes

[1Hugo avait eu jadis pour villégiature la maison de ses amis Bertin aux roches, dans la vallée de la Bièvres, et avait loué non loin une maison au Metz, pour Juliette.

[2Hugo a commencé l’écriture des Jumeaux, qui resteront inachevés.

[3Compter sans son autre :n’avoir pas prévu un contretemps.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne