29 mai 1870

Guernesey, 29 mai [18]70, dimanche matin, 6 h. ½

Encore ce tendre bonjour ajouté à tous ceux que je t’ai donnés depuis tantôt trente-sept ans, mon cher bien-aimé ; à défaut d’autre mérite, je revendique celui de l’exactitude et de la fidélité à la politesse et à l’amour. Comment as-tu passé la nuit, mon doux adoré ? Mieux que la mienne, je l’espère, qui a été fort agitée. L’orage qui pèse en ce moment sur le temps pèse aussi sur ma caboche au point que je m’en donne des étourdissements. Heureusement qu’il commence à tomber quelques gouttes de pluie qui soutirera un peu d’électricité à l’air et aux êtres. Je te donne avis que j’ai déjà depuis hier quinze francs en or à ta disposition [1]. Il ne reste plus que vingt francs en petites pièces à te procurer d’ici à huit jours ce qui pourra se faire comme je l’espère. Je n’ai pas voulu t’en parler hier devant M^me Chenay c’est pourquoi je prends le parti de te l’écrire aujourd’hui. Encore quelques jours d’impatience et nous serrerons dans nos bras tous ces êtres chers et charmants qui s’appellent Monsieur Charles Hugo, Madame Charles Hugo, Monsieur le Petit Georges et Mademoiselle Cacane [2], je ne te dis que ça et je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16391, f. 149
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette