11 mars 1870

Guernesey, 11 mars [18]70, vendredi matin 7 h. ½

Bonjour, mon cher bien-aimé, bien-aimé, bien-aimé adoré, bonjour. J’espère que tu as passé une bonne nuit ? Quant à moi je n’aurais pas mieux demandé que de dormir mais j’ai un rhume à grand orchestre qui, en dehors de la toux, me joue des airs variés et bizarres à croire que tous les chats du voisinage se sont donné rendez-vous dans ma gorge. Dans le premier moment c’est drôle mais à la longue cela agace tellement qu’on a plus envie de mordre que de dormir. Dans le jour je tousse peu et ce bruit insensé ne s’entend pas mais je ne peux pas dormir debout comme à une séance académique ? Enfin me voilà transformée en harpe éolienne dans ma propre ruine ! C’est flatteur pour le romantisme et pour la couleur locale et je n’ai plus rien à envier à la poésie FESSARDE déposée par Louis-Philippe dans une tourelle de Pierrefonds. C’est ROYALEMENT niais et je ne vois pas ce que ma CATHARE peut y gagner ? Il est vrai que je ne vois pas non plus quel^a avantage vous avez d’héberger des Duchesses... ANGLAISES. Après cela vous me direz que ça ne me regarde pas et que vous êtes le maître d’offrir vos tendres POULETS, OF THE LOVE MY DEAR, à qui vous plaît c’est parfaitement juste et je n’ai rien à répondre à cela si ce n’est avec vos propres vers : « Vous mourrez demain soir » [1] !

BnF, Mss, NAF 16391, f. 71
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette

a) « quelle ».