7 mars 1870

Guernesey, 7 mars [18]70, lundi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher grand bien-aimé, bonjour, je t’adore. Je voudrais bien être sûre que tu as mieux dormi cette nuit que tu ne le fais depuis longtemps. Malheureusement j’ai peur du contraire. En attendant que tu me dises ce qui en est je t’offre ma bonne nuit qui n’a presque été qu’un long somme pendant lequel j’entendais le BRRON, BRRON de mes douleurs assoupies, mais toujours à leur poste et que je trouve réveillées avant moi. Cette façon eschylienne de pioncer s’ajoute à la couleur locale de mon antiquité. Sans m’en rendre plus fière, au contraire, AU RESTE Y faut en prendre mon parti comme de vous adorer à tue-tête et à tue-cœur et je le prends. EST-CE CLAIR ? Si ça ne l’est pas, tant pis, je m’en lave l’amour. Attrapé ! TA dites donc, Môssieur, j’ai pas le sou et c’est aujourd’hui le mois d’Henriette. Allez, maintenant, je vous laisse à vos remords !

BnF, Mss, NAF 16 391, f. 67
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette