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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 août 1839

8 août [1839], jeudi matin, 11 h. ¼

Bonjour Toto, comment que ça va mon petit bien-aimé ? Comment vont tes yeux adorés ? Nous avons fait une bien charmante promenade hier, c’est bien dommage que cette stupide fille ait jugé à propos de nous faire jetera notre argent dans la bourse d’un cocher qui ne devait pas nous servir. C’était un détail inutile à nos plaisirs et dont nous nous serions passéb. Je suis très contente d’avoir acheté mon chapeau : il est très bien au jour. Cependant je le donnerais pour la Esmeralda si vous vouliez toperc au marché. Je serais très heureuse d’avoir cette charmante petite fille et si j’osais, je voudrais avoir aussi son [illis.] quoiqu’il ne soit pas si gentil qu’elle. Mais, mais les tigres à cinq griffes [1] sont rares par le temps qui court, ainsi que l’a fort bien remarqué un honorable [industriel  ?] des glorieuses. Je vous aime Toto, vous ne saurez jamais comment ni combien parce que rien n’est au-dessus de mon amour ni de mes forces. Je vous aime. Baisez-moi. Je crois qu’ild va pleuvoir mais ça m’est égal puisque je ne sors pas. Il paraît que la mère Pierceau se manière. Je n’en entends pas parler. Tant pis pour elle, car ça prouve qu’elle est bête, voilà tout. Je t’aime mon Toto. Je t’adore mon petit homme. Viens me voir bientôt, je te désire tant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 203-204
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « jetter ».
b) « passés ».
c) « tauper ».
d) « qui ».


8 août [1839], jeudi soir, 5 h. ½

J’aurais le cœur plein de joie des préparatifs de notre voyage si tu ne souffrais pas de tes pauvres beaux yeux, mon Toto, mais je sens si bien que tu es fatigué au-delà de ce que tu me laisses voir que je ne peux me réjouir qu’à moitié. Va, je vais bien économiser notre argent et n’acheter que l’indispensable nécessaire. Je crois que ce que je t’ai dit tantôt sera très bien. C’est déjà un petit commencement et puis je fais raccommodera tous mes vieux bas et je n’en achèterai pas uneb troisième pairec. J’ai écrit à Mme Laporte qu’elle vienne tout de suite, elle se chargera de rassortir l’étoffe et de cette façon j’aurai une robe et un schall. Jour mon petit bien-aimé adoré, jour mon Toto. Tâche de ne pas te fatiguer, si tu peux. Je voudrais être partie pour être sûre que tu te reposes et pour être heureuse. Sais-tu, mon pauvre petit bien-aimé, qu’il y a un an que je ne fais l’amour qu’en perspective ? Aussi je vais joliment m’en donner une fois que je te tiendrai. CE SERA TERRIBLE. Ne vous effrayez cependant pas, mon amour, et ne vous coriacez pas dans la crainte d’être trop tendre. Je serai très gentille, vous verrez, et je grimperai aux clochers [2] comme plusieurs lions. Si je tombe vous viendrez me ramasser, voilà tout. Je m’aperçoisd que l’espoir de notre bonheur me grise comme si j’y étais déjà et que je dis des bêtises à tire-larigote. Je suis comme les gens qui ne boivent jamais de vin et qui se grisentf rien qu’en visitant la cave.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 205-206
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « racommoder ».
b) « un ».
c) « pair ».
d) « m’apperçois ».
e) « tire larigo ».
f) « grise ».

Notes

[1Tigre à cinq griffes : pièce de cinq francs.

[2À Paris comme en voyage (le prochain débutera fin août), Victor Hugo adore grimper aux clochers.

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