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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 août [1839], samedi matin, 9 h. ¾

Hé bien, mon petit homme, qu’est devenue cette attitude menaçante, cette résolution guerrière et belliqueuse ? Tout s’est évanoui comme un rêve qu’on a ou qu’on n’a pasa ? En vérité ce n’était pas la peine de faire cet embarras puisque vous deviez laisser votre pointe dans le fourreau et votre personne sous je ne sais quelle étoile. Une autre foisb, vous aurez beau sonner la fanfarec de retour, je ne vous croirai pas et je ferai bien. Je m’approuve. Il fait un temps délicieux et provocateur. Je donnerai tout ce que j’ai et même tout ce que je n’ai pas, y compris les biens de Louis-Philippe et sa couronne qu’il n’a pas non plus, pour deux places sur une impériale de diligence [1]. Pour le moment voilà à quoi se borne mon ambition. C’est peu de chose et c’est tout. Aussi soyez tranquille, mon amour, je ne vous tourmenterai pas pour sortir, j’aime bien mieux rester chez moi comme un pauvre chien tout le temps que vous travaillerez pour pouvoir m’envoler avec vous après pour des clochers lointains. Au reste j’ai rêvé de vous toute la nuit. Je suppléed à la réalité par le rêve, au bonheur par la résignation, mais tous ces suppléments-làe ne valent pas un baiser de votre bouche, un regard de vos beaux yeux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 183-184
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « qu’on a pas ».
b) « autrefois ».
c) « fanfarre ».
d) « suplée ».
e) « supléments là ».


3 août [1839], samedi soir, 9 h. ½

La journée a été bien longue, bien chaude et bien triste aujourd’hui, mon Toto. Et la petite goutte de bonheur que tu m’as donnéea est tombée dessus comme sur un fer rouge et a été absorbéeb tout d’un coup. À l’heure qu’il est je suis seule et triste. Cependant je sais que tu travailles, je sais que tu es mon pauvre petit homme ravissant, je sais tout cela, mais mon amour n’en devient que plus impatient et que plus affamé, et je ne gagne qu’un peu plus de tristesse à cela. Voilà tout.
J’ai écrit à Mme Pierceau une lettre qu’on est allé porter à la poste. Je pense qu’elle viendra demain à moins qu’elle ne soit malade ou fâchée. Dans tous les cas, j’ai fait ce qu’il fallait pour qu’elle ne le fût pas, ainsi ça la regarde. Je me suis mise dans une furieuse colère contre ma servante tantôt. La drôlesse a été se promener pendant que je l’attendais et a eu le front de me dire qu’elle s’était perdue. Décidément ce n’est pas une fameuse trouvaille que nous avons faitec en elle. Elle peut bien compter que dans toute autre position je ne la garderais pas 24 heures. Je me suis si fort fâchée que j’ai la gorge tout enflée et toute douloureuse. Que le diable emporte la créature. Encore si vous veniez tout serait oublié et il n’y aurait plus que le plaisir de vous avoir, mais vous n’êtes pas si bête et je continue de rager.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 185-186
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « donné ».
b) « absorbé ».
c) « fait ».

Notes

[1Il lui faudra attendre la fin du mois pour le long voyage de deux mois que lui offre Hugo en Allemagne, en Suisse et dans le sud de la France.

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