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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 décembre [1836], vendredi midi ½

Mon cher petit homme, vous êtes aimé, vous êtes bon, vous êtes adoré, vous êtes ravissant, vous êtes mon ROI, vous êtes beau et grand, vous êtes mon DIEU.
J’étais si contente et si heureuse hier, que je n’en ai pas dormi de la nuit. J’espérais que tu voudrais couronner ce bonheur par un autre bonheur et je voulais être éveillée pour vous revoir à genoux. Vous n’êtes pas venu, j’en ai été pour ma VEILLE et pour mon espoir trompé, ce qui est le pire.
Je ne suis pas fâchée pourtant. J’ai été trop heureuse hier pour avoir le droit de me plaindre aujourd’hui. D’ailleurs il n’est pas étonnant que pendant notre joli petit dîner, l’appétit me soit venu en mangeant. Que puis-je faire pour vous donner une faible idée de mon amour ? Puisque rien de ce qui est faisable ne pourrait seulement vous en donner une idée grande comme ça –
Il me faudrait avoir à choisir entre le paradis et toi, entre Dieu et ton amour, que je te donnerais la préférence sans comprendre seulement qu’il y ait égalité, tant tu es au-dessus de tout ce que l’intelligence connaît ou devine.
Jour. Mille millions de baisers.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 267-268
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


23 décembre [1836], vendredi soir, 5 h.

Je ne vous ai pas vu encore aujourd’hui, et cependant je n’ai pas cessé une minute de penser à vous et de vous aimer de toute mon âme.
Il est probable que si vous venez avant votre dîner vous me trouveriez au bain. J’en ai fait venir un par occasion et puis parce que j’ai beaucoup souffert cette nuit et aujourd’hui de ce que vous savez…
J’ai reçu une lettre que je crois être de M. Vidal. Je ne l’ai point décachetée, selon nos conventions. Vous voyez mon cher petit homme que je suis loyale et incorruptible.
Je ne suppose pas, mon cher bien aimé, que vous soyez sorti par ce temps-ci, à moins que vous n’ayez eu commission. Vous seriez donc bien gentil de venir très tôt, mon Toto chéri. J’ai bien envie de vous voir et bien besoin de baiser vos belles dents blanches.
Si vous êtes très gentil ce soir, vous me ferez gagner beaucoup d’argent j’en ai très de besoin pour le jour de l’an. Profitez donc de la circonstance, car cette époque une fois passée, je serai très CHÈRE, je vous en préviens.
En attendant je suis très bon marché.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 269-270
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


23 décembre [1836], vendredi soir, 10 h.

Mon cher adoré, tu es parti presque mécontent de moi, et il faut convenir qu’en apparence je suis une bête fauve. Mais en dedans de moi, j’ai une âme qui est toute à toi et toujours prosternée devant ton image adorée. Il faut donc pardonner à la brute sa brutalité qui vient de sa nature. Mais il faut aimer et plaindre la belle âme emprisonnée dans une si vilaine mauvaise bête, surtout quand cette âme vous est toute acquise.
Cher bien-aimé, quand j’y pense, je me trouve bien IMPUDENTE et bien hardie d’oser élever la voix devant toi. Il me semble alors que ce n’est pas moi, tout de bon. Car moi, vois-tu, mon cher bien aimé, mon noble, mon sublime, mon divin VICTOR, je suis en contemplation et en adoration du matin au soir devant ta pensée.
Si tu me voyais seule avec elle, tu me croirais ou folle ou bien amoureuse. Mais je ne suis pas la dernière. Je parle à ton portrait, je baise ta chaise, je me sers de ton mouchoir après que tu l’as quitté, enfin je me frotte et je me baigne le plus que je peux dans ton souvenir et contre les choses qui t’ont touchéa.
Il ne faut pas faire attention à ma grosse voix ni à mes mouvements nerveux. Mais il faut tenir compte de mon amour et de ma dévotion à toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 271-272
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]

a) « touchées ».

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