6 novembre 1860

Guernesey, 6 novembre 1860, mardi matin, 11 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé ; bonjour, avec vent et marée ; bonjour. Je vais bientôt savoir de visu et d’auditu comment vous avez passé la nuit car j’aperçois tous vos pavillons arborés à la balustrade de votre lucoot. J’espère en attendant que vous avez dormi comme un loir et que vous n’aurez pas entendu plus que moi sonner le tocsin à minuit pour un feu déclaré dans les caves dans l’Hôtel de l’Europe [1]. Du reste il parait que le dégât est très peu de chose, heureusement. Mais quelle coïncidence le feu dans cette maison le soir même du jour où j’ai entendu parler avec tant d’expression de ce même Hôtel de l’Europe. Il est vrai que la conversation était en anglais et que je n’ai jamais su de quoi il était question. Cela ne pouvait pas être du feu qui n’a eu lieu que 12 ou 14 heures après le baragouinage des susdits Anglo-Guernesiais. Pourvu que cela ne t’ait pas empêché de dormir et que tu te portes bien ce matin je suis contente et heureuse puisqu’il n’y a eu rien de vraiment grave dans l’accident de cette nuit. En attendant, je continue d’habiter dans la salle à manger même. Il n’est guère probable que le tapis [2] soit fini avant demain. Mais tous les coins me sont bons pour t’aimer de toute mon âme.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 288
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette