6 septembre 1860

Guernesey, 6 septembre 1860, jeudi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon doux, mon inexprimablement grand et bon bien-aimé ; bonjour, je t’adore. Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Ton dîner a-t-il fini par passer et ta soif par s’apaiser ? Tu me diras cela tantôt, mon cher bien-aimé ; puisque là je ne peux pas oublier que voici trois ou quatre jours que tu as tes mains brûlantes après ton dîner et une soif qui ne t’est pas habituelle. Il faut surveiller cela, mon pauvre adoré, et ne pas négliger ton régime. Peut-être aussi te couches-tu un peu trop tard tous les soirs tout en continuant de travailler le matin. Il en est de la santé encore plus que de la bourse, mon cher petit homme : IL N’Y A PAS DE PETITES ÉCONOMIES. Et les premières forces gagnées sont celles qu’on ne perd pas à veiller tous les soirs dans l’agitation, la poussière et le bruit. Je sais bien que ta présence est pour beaucoup dans la joie et l’amusement de ta famille, aussi je ne t’en parle qu’à cause de ta santé qui à la longue pourrait bien se fatiguer de cette vie doublement trop active de l’esprit et du corps. Ce n’est qu’à ce point de vue, mon cher bien-aimé, que je hasarde ces observations toutes pleines^a d’amour et de sollicitude et que je te supplie d’y faire quelque peu attention. En attendant, je crains que notre excursion aux viers coffres [1] ne soit un peu gênée par le brouillard et pire encore la pluie. Mais quel que soit le temps, rien ne pourra m’empêcher d’être heureuse et gaie avec toi aujourd’hui pourvu que tu te portes bien et que tu m’aimes. Je vais donc hâter mes préparatifs pour être prête à 11 h. ½, heure MILITAIRE. Jusque-là je t’aime de toute mon âme.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 234
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « toute pleine ».