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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 16 oct[obre] [18]72, mercredi 6 h. ¾ du m.

Je suis toute confuse et toute triste, mon cher adoré, de m’être laissée devancer par toi au rendez-vous de la serviette ; cela est d’autant plus bête que je ne dormais pas. Une autre fois je ne m’attarderai plus aux bagatelles de la porte mais je courraia au contraire droit à la fenêtre d’où on peut te voir sans souci du pionçage prolongé de mes femmes [1]. Ton patron-minette me fait espérer que tu as passé une bonne nuit, je verrai bien tantôt s’il dit vrai. Pendant que j’attendais bêtement l’heure d’ouvrir ma porte, j’ai lu l’admirable article de ton fils [2] ; et comme il a superbement raison [3], ce [illis.] profond ministre ! Quel dommage qu’il ne veuille pas signer de Guernesey tout ou partie de ces éloquents articles. J’espère que par la force, non des choses, mais de son cœur, il y viendra en bonne compagnie de Petit Georges, de Petite Jeanne et de leur maman. En attendant ce jour béni, souhaitons-leur à tous ces ingrats inconscients, la santé le succès et le bonheur assez pour qu’ils ne souffrent pas et trop peu pour qu’ils ne sentent pas le besoin de venir être heureux ici auprès de toi. Je dis mal mais je sens bien et que je donnerais tout ce que tu me permettras de donner pour que tu sois en pleine possession de ta famille et de ton bonheur. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 287
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « courrerai ».

Notes

[1Les servantes de Juliette Drouet : Blanche et Suzanne.

[2Article de François-Victor Hugo dans le numéro du 14 octobre 1872 du Rappel intitulé « Impuissance des puissants ». François-Victor y critique la diplomatie entre les peuples qui n’est qu’une vaste hypocrisie, un trompe-l’œil de la victoire et de l’annexion militaire : « la diplomatie est la vieille fille de joie du triomphe », écrit-il. Il dénonce les différents traités européens passés entre les peuples et qui n’ont jamais été respectés, pour s’intéresser plus particulièrement à la France, amputée de l’Alsace-Lorraine depuis sa défaite contre la Prusse en 1870. « Sur ses ruines [la France] vient de s’élever un monument hideux, sous les assises sanglantes duquel on entend hurler deux provinces immortellement françaises, l’Alsace et la Lorraine ». Il y dénonce les exactions des puissants et rappelle que ces traités ne sont qu’un écran de fumée qui voile la réalité territoriale.

[3Citation de Ruy Blas, acte III, scène 3, La Reine : « Et comme vous aviez superbement raison ! ».

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