26 août 1872

Guernesey, 26 août [18]72, lundi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon grand bien-aimé, je t’offre ma bonne nuit en échange de la tienne meilleure encore je l’espère. Si mes gribouillis se suivent et se ressemblent il n’en n’est pas de même de mon papier qui est tantôt long, tantôt large, tantôt blanc, tantôt bleu, selon la qualité et la couleur des épluchures qui me tombent sous la main. Mon cœur n’y regarde pas de si près, et même pas du tout, pourvu qu’il trouve moyen d’y mettre une partie^a du trop plein de son amour avec le mot : je t’aime. J’ai constaté tout à l’heure la présence de ton cher petit signal qui, comme tous les signaux, n’est pas toujours d’une exactitude scrupuleuse, témoin hier [1]. Mais, loin de t’en rendre responsable, je t’approuve de l’avoir fait mentir et je t’engage et je te prie et je te supplie de le faire mentir pour le même motif chaque fois que tu t’en sentiras le besoin. Je te remercie des bons conseils que tu m’as donnés hier et je te promets de les suivre le plus possible, malheureusement il est impossible de tout prévoir et c’est l’imprévu qui domine autour de toi. Cependant je tâcherai d’être toujours sur mes gardes. Je désirerais que tu fasses appel au zèle et à l’expérience de M^me Chenay pour diriger le service de ta table qui laisse beaucoup à désirer. Quant à moi je ne peux que t’en faire l’observation dans l’intérêt de ta maison et parce que je t’aime, t’admire et te vénère.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 236
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « parti ».