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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 décembre [1835], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon chéri, bonjour, mon Toto adoré. Je suis levée depuis 9 h. mais j’ai déjà bien fait des choses depuis ce temps-là. La petite Lanvin [1] n’est pas encore arrivée. J’espère qu’elle ne tardera pas.
Mais que je t’aime mon Victor, que je te trouve beau de toutes les beautés, quelle belle figure et quelle belle âme. Je n’ai pas un petit coin de moi, pas une parcelle de mon être qui ne soit épris de toi jusqu’au délire. Je te dis cela comme je peux. L’amour, quoi qu’on en dise, ne donne pas d’esprit à ceux qui n’en ont pas. Bien loin de là. Du moins, j’ai la fatuité de croire que si je t’aimais moins, je serais beaucoup plus forte en style et plus fertilea en choses d’esprit. Mais mon amour m’absorbe. Je ne sais dire que cela. Et le disant si souvent et à toutes sauces, il est impossible que je ne le dise pas mal.
Mais ça m’est égal. Je n’ai pas le moindre amour propre. Je t’aime. Je ne connais que ça.
Viendras-tu bientôt ? Penseras-tu à moi ? Me plaindras-tu si tu es forcé de ne venir que tard ? Oh ! oui, n’est-ce pas, car tu m’aimes un peu, car tu sens bien que tu me donnes la vie et le bonheur et cela doit t’intéresser à la pauvre Juju.
Il fait un bien beau temps de geléeb. Si tu venais, nous pourrions en profiter.
Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 262-263
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « fertiles ».
b) « gelé ».


26 décembre [1835], samedi soir, 9 h. ½

Mon cher petit homme, je t’écris un peu tard parce qu’il m’a fallu faire la soupe en rentrant pour cette pauvre petite fille car pour moi, je n’avais pas la moindre faim.
Vous parlez quelquefoisa d’injustices de ma part, mon cher petit bien-aimé, et cela dans le moment où vous êtes le plus injuste et le plus ingrat envers moi. Vous me disiez rue Saint-Lazareb que je vous aimais moins qu’autrefois. Convenez que le temps et le lieu étaient mal choisisc pour me faire ce reproche.
Je vous aime, mon amour. Je vous aime plus que jamais femme ni homme n’a aimé. Je vous aime de toutes les forces de mon âme, mon Victor chéri. Pour vous voir quelques minutes de plus, je passe des heures entières à vous attendre, exposée au froid sans me plaindre. Au contraire.
Mon cher petit Toto, ne dites jamais que je ne vous aime pas ou que je vous aime moins parce que c’est si contraire à l’évidence que je crois alors que ce sont vos propres sentiments que vous traduisez ainsi.
Mon amour, mon Victor, mon bien-aimé, mon jeune homme et bientôt mon immortel. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 264-265
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « quelques fois ».
b) « St Lazarre ».
c) « était mal choisi ».

Notes

[1M. et Mme Lanvin avaient deux enfants : un garçon, Bernard-Constant, et une fille, Augustine-Marie-Elisa.

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