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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 novembre [1835], mercredia matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon Toto bien aimé. Comment as-tu passé la nuit ? Bien, n’est-ce pas ? Moi, j’ai très bien reposé. Je me sens beaucoup mieux qu’hier et je pense même être hors de mon mal de gorge aujourd’hui. Il ne tient qu’à vous que je sois tout à fait guérie.
Vous vous êtes encore arrêté bien longtemps à la porte en vous en allant. Il me semble même vous avoir entendu grimper tout doucement. Maintenant que je suis bien portante, je vous surveillerai d’un peu près. Je ne tiens pas à n’être point SAUGRENUSE.
Si vous étiez bien gentil et si vous m’aimiez, vous viendriez aujourd’hui de bonne heure et vous vous en iriez tard, et nous serions bien heureux. Mais vous ne viendrez pas et je serai comme à l’ordinaire, triste et malheureuse. Je ne me plaindrai pas parce que c’est un parti pris chez moi de souffrir sans me plaindre, jusqu’au jour où la plaie sera devenueb un grand trou qu’on ne pourra plus guérir ni boucher et par lequel ma vie et mon amour s’en iront sans que rien puisse les retenir.
Viens quand tu voudras, quand tu pourras, mon cher petit Toto. Tu seras toujours sûr que je t’aime et que je suis heureuse de te voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 152-153.
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « mardi ».
b) « sera devenu ».


25 novembre [1835], mercredia soir, 8 h. ¼ [1]

Je vous aime, vous êtes charmant et je vous désire. Je ne me suis jamais mieux portéeb que ce soir. Si vous aviez l’esprit d’en profiter, ce serait ravissant. Mais vous êtes plus bête que le bonhomme en pain d’épices et vous n’êtes pas même bon à être mis en loterie.
Je vous assure, plaisanterie à part, mon cher petit Toto, que nous nous conduisons d’une manière tout à fait ridicule. Il est temps de faire cesser ce scandale de deux amants vivant dans la plus atroce chasteté. D’abord, je vous préviens que je ne souffrirai pas plus longtemps vos procédés immoraux à mon égard et que je saurai bien vous forcerc à vous conduire décemment avec moi.
Mon cher petit Toto, vraiment tu devrais venir ne fût-ced que pour voir l’effet que cela me ferait. Il y a si longtemps que nous ne nous sommes vus autrement qu’à minuit et avec trois doubles couvertures entre nous deux, que cela ne manquerait pas d’originalité si nous nous voyionse plus tôt et de plus près. Au reste, ce que je t’en dis ce n’est que pour plaisanter. J’aime encore mieux que tu fasses à ton goût comme tous ces jours derniers, que de te faire violence en cédant à mes sollicitations. Tu sais que je t’aime autant absent que présent. Il n’y a de différence que dans mon plus ou moins de bonheur et en vérité, cela ne vaut pas la peine que tu y penses. Viens donc quand tu voudras.
Je t’aime de toute mon âme. C’est une bonne disposition pour attendre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 154-155
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Massin]

a) « mardi ».
b) « porté ».
c) « vous forcé ».
d) « ne fusse ».
e) « nous nous voyons ».

Notes

[1Le 25 novembre 1835 est un mercredi et non un mardi.

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