Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 – Lettres datées > Novembre > 24

24 novembre [1835], mardi matin, 10 h.

Bonjour, mon cher petit homme, comment que vous avez passé la nuit ? Bien, j’espère. Moi, j’ai très bien reposé. Je n’ai plus que le ressentiment de mon mal de gorge ce matin. Je crois que j’irai tout à fait bien tantôt.
À propos, mon cher petit curieux, je ne comprends pas encore bien ce que vous avez pu faire pour rentrer aussi longtemps dans la chambre de cette fille. Une autre fois, je veux être témoin de vos observations parce qu’on a vua des rois épouser des bergères, ce qui pour être saugrenub n’en est pas moins vrai.
Allons, cher petit homme, je t’aime. Je t’aime de toute mon âme. J’ai bien pensé à toi cette nuit, je t’ai bien désiré, je croyais bien que tu viendrais, mais, mais… Comme tu ne m’aimes pas, toi, tu n’es pas venu.
Je me suis bien promis de ne plus t’ennuyer de mes plaintes et d’attendre en silence que tu cessesc de m’aimer tout à fait ou que tu reviennes à moi comme autrefois où tu étais si amoureux et si empressé de me voir. En attendant, je t’observe et je suis triste, mais je t’aime comme jamais homme n’a été aimé. À tantôt, mon cher petit homme.
À bien tard car je sais que tu ne viendras pas avant la nuit.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 148-149
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « parce que on n’a vu ».
b) « sogrenu ».
c) « tu cesse ».


24 novembre [1835], mardi soir, 7 h. ½

Je viens de dînera. J’ai fort peu mangé et j’ai beaucoup souffert pour avaler et maintenant je souffre presque autant que l’autre soir. J’espère pourtant que cela n’aura pas les mêmes suites.
Mais que je t’aime donc, mon Dieu. C’est toujours de plus en plus fort. Enfin je ne sais plus où le fourrer. Il faudra que tu en prennes un peu pour me faire place. Et puis cela ne te chargera pas de trop car le tien n’est pas bien gros ni bien grand, ton amour, et tu le portes bien aisément partout : à la promenade, au salon, aux théâtres, dans les causeries, il ne te gène pas extrêmement. C’est un amour commode que le tien. Il ne ressemble pas au mien.
Je t’aime. Voilà une chose sinonb bien neuve, au moins bien prouvée. Je t’aime de toute mon âme. Je ne te dirai rien autre chose que ce mot-là : je t’aime. Parce que je ne sens ni comprends que lui. Le reste de la vie, ou je ne l’ai jamais suc, ou je l’ai oubliéd. Mais il m’est impossible de m’en rappeler un mot.
Si tu pouvais venir ce soir, tu verrais comme je serais joyeuse. Je suis sûre que mon mal de gorge n’y résisterait pas, tout féroce et tenace qu’il est. Mais hélas ! Je crains bien qu’il en soit de ce soir comme de tous les autres. Tu ne viendras qu’à onze heures et demie, et puis tu t’en iras une demi-heuree après pour passer près d’une heure en observation d’une margotton somnambule.
Si vous croyez que c’est là ce qui rend une femme heureuse [1]  ?

BnF, Mss, NAF 16325, f. 150-151
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « de dîné ».
b) « si non ».
c) « sue ».
d) « je l’ai oubliée ».
e) « une demie heure ».

Notes

[1Citation d’Angelo tyran de Padoue (parole adressée par Catarina à son mari Angelo, Journée II, Partie I, scène 8).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne