Bruxelles, 26 août [18]68, mercredi, 8 h. ½ du m[atin]
Mon pauvre bien-aimé, je prie Dieu de t’épargner, ainsi qu’à tes chers enfants, le malheur qui vous menace en ce moment dans la vie de ton angélique et adorable femme [1]. J’espère, j’espère, j’espère. Je prie, je t’aime, j’appelle à son secours et au tien tous nos chers anges de là-haut. Je prie Dieu de faire deux parts égales des jours qui me restent à vivre pour les ajouter à ceux de ta sainte et noble femme. Mon cher bien-aimé, j’ai le cœur navré, je souffre tout ce que tu souffres en ce moment, augmenté de tout mon amour pour toi. Je ne sais que faire de moi. Je voudrais aller te trouver, je voudrais prendre ma part des soins que tu donnes à ta pauvre malade, mais le respect humain m’arrête et mon cœur se serre de plus en plus. Il n’y a qu’un moment que Suzanne est revenue de chez toi et déjà j’éprouve le besoin de l’y renvoyer avec l’espoir qu’elle me rapportera des nouvelles moins inquiétantes que celles de tout à l’heure.
Mon Dieu, mon Dieu, ayez pitié de nous, faites que nos angoisses se changent en joie.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 235
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud, Souchon, Massin]