28 août [1840], vendredi après-midi, 4 h. ½
Tout mon monde à argent est venu, mon amour, en attendant j’ai achevé de mettre de côté ce que nous emportons [1] et j’ai écrit diversesa lettres d’adieu que tu verras et que je ferai porter par Suzanne aussitôt après notre départ. J’ai écrit aussi à Mme Krafft mais par la poste pour ne pas faire double dépense de commissionnaire dans le cas où Mme Pierceau aurait déjà été chez Mme Krafft et m’aurait envoyé un châle. D’ailleurs il était assez à temps par la poste et nous ne risquons pas les indiscrétions au portier. C’est aujourd’hui la dernière fois d’ici à deux mois que je t’écris mon adoré. Je ne peux pas dire que j’en sois fâchée, bien loin de là, je suis ravie et, toute fatiguée et effondrée que je suis, je pousse mon cri de guerre avec JOIE : QUEL BONHEUR !!!!!!b Je vais joliment m’en donner du bonheur et de l’amour pendant deux mois. Toutes les bosses [2] terrestres, animales et autres ne seront rien à côté de celles que je vais me donner tout le long de la route. Collinesc, montagnes, chameaux, dromadaires et autres, tout celad ne sera qu’une ampoule auprès de mes bosses. Si la robe pouvait être encore à Cologne [3] nous la prendrions en passant, ce qui serait assez original et ne manquerait pas de charme car elle viendrait en aide à celle que j’aurai sur le dos et qui n’a pas l’air bien ravissante. Mais j’ai bien peur que nous ne la trouvions pas au gîte ou dans un tel état de dégradation qu’elle soit plus bonne à rien. Enfin au petit bonheur. L’important este de s’aimer et d’être heureux, nous nous aimons et nous serons heureux, n’est-ce pas mon adoré ?
Juliette
BnF, Mss, NAF 16342, f. 121-122
Transcription de Chantal Brière
a) « divers ».
b) Six points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.
c) « Collinnes ».
d) « sera ».
e) « et ».