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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 avril [1840], samedi matin 8 h. ½

Bonjour mon Toto, bonjour cher petit blagueur, bonjour mon adoré, bonjour je vous aime mais vous êtes un affreux menteur. Vous vous êtes en allé bien tard cette nuit, voime, voime, si j’avais su l’heure qu’il était je ne vous aurais pas laissé partir vous pouvez en être sûr ; et puis vous avez oublié votre clef, décidément vous êtes un affreux Toto. Baisez-moi. Je voudrais déjà vous voir avec vos petits brodequins et votre beau pantalon gris c’est pour le coup que vous serez BEAU. Mais aussi que de calottes et que d’yeux arrachés comme compensation. Je crois déjà y être, ce sera fort divertissant. Quel beau temps, mon amoureux, vous allez tant faire que vous attendrez qu’il pleuve à versea et qu’il fasse un froid de chien pour me faire faire ma culotte tandis qu’aujourd’hui ce serait charmant, nous verrions passer les bateaux à vapeur et l’eau nous en viendrait à la bouche, nous serions très gaisb, très heureux et très ravis, hélas ! J’ai cependant bien attendu ce bonheur ; et ma constance devrait être couronnée d’un tas de bonheur à la queue leu leu, mais j’aurai bien de la peine à en agripper un pauvre petit dans bien longtemps, bien longtemps. Je vous aime mon Toto, je vous aime mon petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 75-76
Transcription de Chantal Brière

a) « averse ».
b) « gaies ».


25 avril [1840], samedi soir, 9 h. ½

Je t’écris tard, mon cher bijou, parce que j’ai dînéa dans l’intervalle, que j’ai lavé mes six assiettes, et que j’ai époussetéb, rangéc et pliéd mes affaires et jouée un peu avec Résisieux. Au moment où tu allais tourner ma rue la bonne de la maison à côté a ferméf sa persienne de manière à te cacher entièrement de sorte que je ne sais pas si tu as tourné à gauche ou à droite. Je crois cependant que c’est à gauche ? C’est-à-dire que tu ne rentrais pas chez toi ce qui serait fort grave vu la tenue et le volume [1] entièrement fini. Cependant je ne veux pas faire de jugement téméraire surtout dans un jour où tu as été si bon, si doux et si charmant. Je sentais ton amour comme un parfum, ton âme s’épanouissait riante et belle sur tes lèvres et dans tes yeux comme les fleurs sur leurs tiges aux rayons du soleil, je te respirais comme un bouquet, c’était suave et enivrant à la fois. Je ne t’aimais pas plus que toujours mais je jouissais par tous mes sens, par les yeux de ta beauté, par les oreilles des mots si doux et de ta voix si harmonieuse, par le cœur de ton amour si ravissant, si noble et si dévoué que je suis toujours en adoration et en extase devant lui. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 77-78
Transcription de Chantal Brière

a) « dîner ».
b) « épouster ».
c) « ranger ».
d) « plier ».
e) « jouer ».
f) « fermer »

Notes

[1Il s’agit du recueil Les Rayons et les Ombres.

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