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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 avril [1840], mardi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon Toto, vous ne venez donc plus jamais à présent ? C’est pas bien amusant ni ben agréable. Cependant je vous aime de toute mon âme et je vous désire de toutes mes forces. Que vous faut-il de plus ? Il fait un temps ravissant, si vous êtes bien I vous nous ferez sortir pour nous mener un peu loin, à nos anciennes promenades, par exemple, mais vous travaillez, mon pauvre amour, et vous ne viendrez pas. Eh ! bien pour vous imiter nous en ferons autant de notre côté. Moi, à ma couture, Claire, à copier la lettre de Boulanger et voilà. Et puis si ce soir vous n’êtes pas trop préoccupéa ou trop fatigué vous nous ferez marcher un peu sur les boulevards. Je reviens sur les reproches que vous m’avez faitsb, hier, et je vous les renvoie de nouveau comme les méritant [donc  ?]. Il est évident que rien n’est plus bête que de l’argent jeté par la fenêtre, mais il n’y a rien de plus fou, de plus méchant et de plus stupide que du bon amour jeté dans le ruisseau. Or c’est vous qui faites tout le mal et il n’est pas juste que ce soit moi qui en subissec les reproches et la mauvaise humeur. Aimez-moi, croyez-moi ce que je suis, une honnête femme, et laissez-vous adorer à genoux, comme le bon Dieu que vous êtes pour moi et nous serons très heureux et nous ne jetterons pas 15 f. au vent et surtout nous ne nous ferons pas de chagrin. Ça n’est pas bien difficile comme [illis.].

BnF, Mss, NAF 16342, f. 61-62
Transcription de Chantal Brière

a) « préocupé ».
b) « fait ».
c) « subissent ».


21 avril [1840], mardi soir, 7 h. ½

Vous venez de me quitter, mon bon ange, beau à faire pâmer toutes les femelles de Paris et de la banlieue, jugez de l’effet que vous me produisez à moi. Vous voilà parti et me voilà triste car je ne sais pas être gaie quand vous n’y êtes pas. Si tu pouvais venir tout à l’heure nous chercher pour nous faire sortir tu serais bien bon et je serais très heureuse. Cependant si tu ne viens pas, comme je sais que tu travailles, je ne t’en voudrai pas. Est-ce bientôt que ton volume [1] paraît, mon Toto ? Cela va faire un fameux esbroufea, car tu n’as jamais rien fait de plus beau ni de plus admirable. Je te dis cela comme en revenant de Pontoise [2] mais les vérités n’ont pas besoin de sauce ni de mise en scène, il suffit de les dire comme on peut pour qu’elles soient bonnes. Je sais que ma péronnelle [3] a été stupéfaite d’admiration et d’émotion tantôt en entendant Une rencontre [4] et qu’elle veut absolument l’apprendre par cœur avant de retourner à la pension. Je ne l’en EMPÊCHERAI pas. Baisez-moi Toto et revenez bien vite si vous ne voulez pas que je sois très triste et très maussade pour cette pauvre enfant à qui nous faisons toujours passer les vacances en eau de boudin. Je vous aime Toto, je vous aime, entendez-vous ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 63-64
Transcription de Chantal Brière

a) « essebrouffe ».

Notes

[1Il s’agit du recueil Les Rayons et les ombres.

[2Avoir l’air de revenir de Pontoise : avoir l’air hébété, confus, troublé.

[3Il s’agit de sa fille, Claire Pradier.

[4« Rencontre », poème du recueil Les Rayons et les ombres.

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