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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 juillet [1840], dimanche matin, 9 h.

Bonjour mon Toto, bonjour mon bien-aimé. Tu es à Saint-Prix [1] et je m’en étais bien douté hier en te voyant si pressé de me quitter. Ce chagrin-là joint à celui de mon opération douloureuse hier [2] m’avait tellement exaspérée que je me serais pendue avec joie derrière ma porte pour être sûre de ne plus souffrir. J’étais plus que folle hier, j’étais enragée. Aujourd’hui je suis stupide et triste, c’est un refroidissement de l’état violent d’hier mais je sens que le découragement et le chagrin de ma portraiture ne me quitteront pas de sitôt. Je n’ose plus te dire de m’aimer, il me semble que depuis hier j’en ai perdu le droit. Je vais passer une journée bien vide et bien longue, mon cher adoré, jusqu’à ton retour. Tâche de venir le plus tôta possible mais surtout avant 2 h. du matin. Voici la pluie qui tombe comme hier et à la même heure qu’hier. Pourquoi n’est-elle pas tombée à torrent hier, j’aurais une déception de moins au lieu d’avoir une horrible conviction de plus. Enfin c’est fait, bonjour mon Toto, bonjour mon adoré, bonjour, bonjour, je vous aime comme si j’étais la plus belle, la plus jeune et la plus ravissante des femmes. Tâchez d’en faire autant pour moi. En fermant les yeux et en ne regardant que mon amour vous y parviendrez peut-être mais j’en doute. Je t’aime, je t’aime. Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 39-40
Transcription de Chantal Brière

a) « plutôt ».


19 juillet [1840], dimanche après-midi, 1 h. ½

Il n’est encore qu’une heure et demie, mon adoré, et j’ai encore douze ou quatorze heures d’impatience et de serrement de cœur avant de te revoir. Je suis cependant bien triste et bien malheureuse depuis hier [3]. J’ai cependant bien besoin de lire dans tes yeux que tu m’aimes encore et que tu n’as pas pour mon effroyable figure les mêmes yeux que le daguerréotypea. J’attends avec bien de l’inquiétude et d’effroi le moment où je vais me retrouver en face de mes affreux portraits. J’espère que le bon Dieu me compterab ce genre de supplicec pour les siècles de purgatoire que je mérite. En attendant je suis seule, bien triste et bien découragée. Je voudrais savoir si tu reviens seul, j’irais au-devant [de] toi sur la route et nous reviendrons ensemble. Je suis comme une âme en peine, je compte les minutes et les heures par des battements de cœur et par des convulsions internes qui me font trouver le temps aussi long qu’hier quand je posais. Tâche de revenir bien vite mon adoré. J’ai bien besoin que tu me rassures et que tu me consoles, mon Toto chéri.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 41-42
Transcription de Chantal Brière

a) « daguerrotype ».
b) « contera ».
c) « suplice ».

Notes

[1La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

[2Juliette a très mal vécu une séance de portraits chez le photographe.

[3Juliette a très mal vécu une séance de portraits chez le photographe.

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