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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 juillet [1840], mercredi après-midi, 3 h. ¾

Voici mes papiers enfin en ordre, mon Toto, et voici Claire rentrée à la pension ce qui n’est pas malheureux après la pausea qu’elle vient de faire à la maison. C’est encore Mme Lanvin qui est venue pour la reconnaissance et qui en même temps a reconduit Claire. Je viens de donner 30 f. [d’]acompte à l’homme du médecin Vidal. J’ai payé le vin, bref voilà 55 f. que je débourse sans boire ni manger, sans compter que nous ne sommes pas au bout, il faut 69 f. pour les acomptes du 10 de ce mois, pour le mois de la bonne 25 f., pour le frotteur 5 f. et le loyer le 15. Je ne sais pas où tu vas trouver tout cela, mon pauvre bien-aimé, je t’offre toujours la fameuse ressource de la boucle et du nécessaire si tu l’acceptes tu me combleras de joie. En attendant je t’aime de toute mon âme. Je vous présente mon respect. Voime, voime, vous êtes très ressemblantb, une autre fois je ferai la scène complètec, aujourd’hui je me borne au personnage principal. Je vous ferai remarquer, mon amour, qu’il y a juste huit jours aujourd’hui que je n’ai mis le pied dans la rue. Ce n’est vraiment pas pour me maniérerd mais j’ai tous les jours bien mal à la tête. Maintenant baisez-moi et ne me faites pas sortir si vous voulez, ça ne me regarde plus. Si je crève comme un vieux mousquet vous mettrez cela sur votre mémoire ainsi que le meurtre de ma pauvre fleur. Je vous pardonne tous vos trines et je vous adore, voilà. Baisez-moi qu’on vous dit, vous êtes mon grand Toto, je vous présente mon respect. Je tâcherai de lire tantôt La Reine des prairies [1] puisque vous y tenez si fort et puis je vous donnerai MON OPINION sur cet opuscule. Le MISSISSIPIe m’a misef en voix et je peux vous donner mon opinion sur toutes espèces de choses quelconques. Baisez-moi Toto. Je sens que je suis lourde et bête comme une commode en palissandre, j’ai un si affreux mal de tête que je suis inepte. Baisez-moi, pardonnez-moi comme je vous aime. À bientôt mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 17-18
Transcription de Chantal Brière

a) « pose ».
b) Juliette fait un portrait en pied de Hugo, les cheveux rejetés en arrière.
c) « complette ».
d) « maniérée ».
e) « MISSISIPI ».
f) « mis ».

Notes

[1Roman d’Adolphe Granier de Cassagnac.

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