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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 février [1840], lundi après-midi, 1 h.

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon bon petit homme. Comment vas-tu mon adoré ? Comment m’aimes-tu et où es-tu en ce moment ? Moi je t’aime, je pense à toi, je viens de faire mes petites affaires et je te désire, viens vite. J’ai été forcée d’acheter du bois à la falourde [1] ce matin en attendant qu’on vienne de chez la Lanvin ; le poêle et mon cabinet de toilette m’auront fait user une voie [2] de bois de plus que l’autre année ; il est vrai de dire aussi que je sortais beaucoup plus souvent, soit au théâtre soit chez la mère Pierceau, et que pendant ce temps-là le bois ne se brûlait pas. Vous êtes mon ravissant petit homme que j’aime de toute mon âme. J’ai le cœur si plein de toi que je ne sais pas dire autre chose soit que je parle ou que j’écrive je n’ai rien dans la tête, tout est dans le cœur. C’est pas ma faute, mais c’est la faute à Toto, ce n’est pas ma faute. Donnez vos chers petits pieds que je les baise, quand donc m’apporterez-vous à copier ? Vous me faites joliment languir longtemps comme si j’avais besoin de cela pour désirer et pour admirer vos gribouillis. Vous êtes une bête, taisez-vous et obéissez à votre Juju tout de suite. Il fait bien sombre et bien froid aujourd’hui, je ne serais pas étonnée si tu me fais sortir, il est vrai qu’aujourd’hui n’est pas hier et que c’est encore moins jeudi, ce qui fait que j’ai moins de chance ; cependant je vais déjeuner et m’habiller ne fût-cea que pour vous éprouver : c’est ça qu’est traître. Baisez-moi, mon petit bien-aimé, baisez-moi et aimez-moi comme je vous aime si vous pouvez ce qui n’est pas facile.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 122-123
Transcription de Chantal Brière

a) « fusse ».


3 février [1840], lundi soir, 5h ¼

Bonsoir vieux loup, je savais bien qu’il faisait trop beau pour que vous me fassiez sortir. S’il avait plu à torrents vous n’y auriez pas manqué quoique un lundi et à cause du lundi. Je ne vous en veux pas, je suis faite à ces manières-là, je le remarque voilà tout. Je vous ferai remarquer aussi ce soir, après minuit, que vous ne serez pas venu me faire marcher. Du reste nous n’en serons pas plus mauvais amis et je vous aime de toute mon âme. Tu ne saurais croire comme la vue de cette pauvre folle m’a attristée ; je ne comprends pas qu’on se résigne à ce spectacle-là tous les jours et à tous les instants sans une grande nécessité. Baisez-moi mon Toto sinon avec votre belle bouche du moins en pensée et du fond de votre cœur. Il est probable que j’aurai un des Lanvin demain. Je lui dirai le prix que tu m’as dit pour sa gouverne et afin que ni lui ni moi ne soyons attrapés. J’ai oublié de te demander si c’était tout scié et au poidsa que tu l’avais payé 38 F. la voie [3] ton bois. Ce soir je prendrai des renseignements détaillés. Jour Toto, jour mon petit o. Vous serez bien bon et bien gentil si vous me faites un peu marcher ce soir. Résisieux est redescendue mais elle reviendra ce soir. En attendant je suis seule et triste comme toujours quand je ne suis pas avec vous. Du reste je ne suis pas plus gaie avec du monde seulement je parle de vous, c’est une consolation. Baisez-moi mon petit homme, aimez-moi et ne me laissez pas toute la soirée sans vous voir. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 124-125
Transcription de Chantal Brière

a) « poid ».

Notes

[1Fagot de quatre ou cinq bûches courtes liées aux deux extrémités, utilisées pour faire du feu.

[2Dans l’industrie du bois, nom donné à la largeur du trait de scie.

[3Dans l’industrie du bois, nom donné à la largeur du trait de scie.

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