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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 mai 1840

25 mai [1840], lundi après-midi, 3 h.

Le grand jeu est fait et archi-fait et vous n’êtes pas venu, vieux blagueur, et vous ne viendrez pas probablement. En vous attendant je vous écris et après vous avoir écrit je travaillerai. Vous êtes en veine de lettres de femmes, en voici encore deux sans compter celles qui vous entretiennent de Château à moitié prix quoi que ce soit à CINQ prix [1]. Je ne m’étonne pas si Monsieur le MAIRE a refusé de vous faire la barbe, je comprends que sa pudeur sea soit effarouchée devant une barbe aussi immorale. Je l’approuve et si jamais je me marie je veux que ce soit lui qui me serve de dieu de l’HYMÉNÉEb. En attendant je tourne mes pouces, je fais des petites maladies souterraines, je ronge mon frein et je m’embête supérieurement, pendant que vous vous gobergez dans l’admiration des vieilles duchesses et que vous recevez les déclarations de toupies [2] surannées. Sans compter les mendiantes de portes de culottes qui vous prient d’avoir pitié de leur SEIN. Enfin c’est très gentil et je suis la plus suave et la plus [illis.] des imbécilesc. Je crois même que je suis tout à fait BONNE À MARIER. Il faudra que j’en essaie, vous me servirez de garçon d’honneur.
J’espère que vous avez fini depuis longtemps avec le hideux Saint-Paul ? Il pue trop pour que vous prolongiez la séance au-delà du strictd nécessaire. Je voudrais bien savoir à qui vous donnez audience dans ce moment-ci ? Pour un rien je mettrais mon châle et mon chapeau et j’irais m’assurer par moi-même de ce que vous faites. Vous qui comptez si bien les minutes aux autres vous laissez joliment perdre les bonnes heures que nous pourrions passer ensemble à des niaiseries sans fin et sans utilité. Baisez-moi toujours et tâchez de ne m’avoir pas fait faire mon GRAND JEU pour rien. Je vous aime, je vous attends et je désire passer la journée, la soirée et tous les instants de ma vie avec vous, dussé-jee pour cela ne vivre pas six mois. Je vous aime Toto. Je t’aime mon petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 167-168
Transcription de Chantal Brière

a) « ce ».
b) « YMÉNÉE ».
c) « imbécilles ».
d) « stricte ».
e) « dussai-je ».

Notes

[1Jeu de mots sur le nom de Saint-Prix où la famille Hugo s’est installée pour l’été.

[2Toupie : Femme de mauvaise vie.

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