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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 28 novembre 1852, dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit canard, bonjour. As-tu trouvé moyen de te sécher hier en rentrant ? Cela a été une de mes préoccupations toute la soirée car je savais par moi-même combien tu étais mouillé. Jamais je n’avais été si bien saucée depuis la fameuse averse des rochersa et dont ta montre conserve encore la marque de rouille. Je suis sûre que j’avais au moins une voie d’eau sur le corps dans mes habits. Mes pieds étaient tout frisés comme lorsqu’on a pris un bain de piedsb trop prolongé. Quant à mes brodequins, je ne sais pas si je pourrai les remettre tant l’eau et le feu les ont travaillés. Du reste, mon pauvre bien-aimé, tu dois savoir cela aussi bien que moi quoique tes habits collants n’aient pas le même inconvénient que mes jupes flottantes. Aussi tu aurais été mille fois imprudent si tu n’avais pas pris le temps de te changer des pieds à la tête. J’espère bien que tu n’as pas manqué à ta promesse en me quittant et que je te reverrai tantôt sain et sauf. Tâche que ce soit le plus tôt possible. En attendant, mon cher petit bien-aimé, cette journée RESTE TITUS [1] comme les autres car je n’ai pas envie que vous la preniez aux cheveux pour m’en faire une superbe queue de longueur et d’attente car de tous vos tours c’est celui que je déteste le plus. Baisez-moi et venez me voir très tôt, mon Toto toujours en retard.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 207-208
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « rocher ».
b) « bain de pied ».


Jersey, 28 novembre 1852, dimanche matin, [11  ?] h. ¾

Cher petit bien-aimé, il me serait bien doux de te voir bientôt, aussi tu serais bien gentil de venir tout de suite après ton déjeuner. J’espère que l’averse d’hier ne t’aura rien fait, mais j’en serai plus sûre lorsque je t’aurai vu. Il m’est impossible de penser à autre chose et de désirer autre chose que toi. C’est ce qui fait la monotonie de mes gribouillis. J’ai beau regarder autour de moi je ne vois rien qui m’intéresse et mon cœur n’est plein que de toi. Il me serait difficile de rien dire qui n’ait pas toi pour souvenir, pour désir et pour espérance. Aussi mon petit Toto, c’est pourquoi les restitus sont si parfaitement inutiles car un seul de mes gribouillis les contient tous et tous ne diffèrent en rien d’un seul. Je ne sais pas si c’est intelligible comme phrase mais je sais, mon bien-aimé, que je t’aime d’un bout de ma vie à l’autre avec une parfaite égalité de tendresse, de dévouement, d’admiration et d’adoration. Maintenant, mon petit homme, que j’en dévide peu ou beaucoup sur la bobine RESTITUS cela ne fait rien puisque la pelote tout entière est dans mon cœur et si bien mêlée à ma vie que le jour où le fil cassera je mourrai tout naturellement. Tu le sais bien, n’est-ce-pas, mon cher petit homme ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 209-210
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Jeu de mots avec « restitus ».

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