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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 26 novembre 1852, vendredi matin, 4 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour avec et sans restitus car il n’y en a pas d’assez longs pour contenir tout mon amour ni d’assez ras pour n’y pouvoir pas glisser : je t’aime. Ainsi, mon petit Toto, prenez-en votre parti et estimez-vous trop heureux qu’il n’y ait pas mèche pour mettre des réchauffantes aux occasions perdues lesquelles, comme vous savez, sont de leur nature un peu chauves, témoin celle que j’ai essayé d’attraper hier sous prétexte d’Angelo [1] et dont la queue menace de me rester dans la main. Ce sont là de ces TOURS auxquels je suis si habituée que je n’en suis plus le moins du monde DEFRISÉE maintenant. Aussi, mon cher petit homme, je te supplie de ne faire aucun effort pour cette RESTITUS littéraire surtout si tu dois pour cela priver quelqu’un des tiens du plaisir ou plutôt de la curiosité d’une représentation d’Angelo dans une ÎLE. Moi j’en ai fait le sacrifice dès le premier moment, avec assez de mauvaise humeur j’en conviens, mais enfin la chose est accomplie à l’heure qu’il est et ce serait un double emploi de mystification inutile que de FRUSTERa, pour bien dire, ceux auxquels appartiennent et par droit de conquête et par droit de naissance le DROIT d’assister à vos premières représentations partout et ailleurs. Maintenant, mon cher petit homme, baisez-moi, sans droit d’auteur, et ne vous inquiétez pas du RESTE jusqu’à nouvel ORDRE. Je vous assure que je vous aime à tout crin et à quatre poils sans cela.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 199-200
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « frusté ».


Jersey, 26 novembre 1852, vendredi matin, 8 h.½

Cher petit homme, pour me donner moins de regret, ce soir la providence prévoyante, bienveillante et sage prépare ses plus longues zallebardes et ses plus moelleux margouillis sans compter un mal de tête sterlings qu’elle m’a donné par-dessus le marché et dont je me serais aussi bien passé que de la croix d’honneur du vieux Boustrapa car des deux on ne peut pas dire : si cela ne fait pas de bien cela ne fait pas de mal. Enfin telle que je suis je me trouve assez bonne pour garder la maison mais pas assez pour regarder et pour admirer Angelotravesti [2]. Pour le quart d’heure je me contente de la perspective de te reconduire ce soir à travers les pieux, les pierres, les [illis.] jusqu’à ta porte. Ce bonheur me suffit. L’autre serait une aimable superfétation peut-être mais à laquelle je ne veux pas prétendre. Pourvu que tu viennes de bonne heure je n’en demande pas davantage. Je suis modeste, comme tu vois, et j’ai le talent de savoir me passer de ce qui n’est pas en mon pouvoir. Après cela plaignez-vous de moi, si vous pouvez, et dites que je ne suis pas une Juju parfaite si vous l’osez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 201-202
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Une troupe d’acteurs venus de Saint-Malo joue Angelo tyran de Padoue à Saint-Hélier.

[2Interprétation de la pièce de Victor Hugo Angelo par une troupe malouine à Saint-Hélier

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