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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 20 novembre, samedi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, je t’aime et vous ? Je ne vous conseille pas de hasarder vos nageoires hors du lit car quelle quea soit votre habilité à la coupe et à la planche vous courriezb risque de vous noyer tout comme un chien de plomb par ce déluge universel et Girodet. J’ai beau regarder à l’horizon les choux qui verdoient et l’urne funéraire du centenier de Sainte Puk je n’y trouve pas le plus petit mot pour rire tant la pluie hypoconDRISE tout dans mon esprit. Je me console en faisant des mots comme M. Bonaparte seulement je les fais moins féroces que les siens de MAUX. Après cela nous sommes dans une île, c’est sans cérémonie. Une mise décente et le sens commun ne sont pas de rigueur. Et on peut être nu d’esprit comme de corps voilà ce qui fait le charme de CES LIEUX à l’ANGLAISE et les délices de Marine Terrace les jours de canicule et de diarrhée. Aussi je suis sûre d’être comprise par le collègue en circulus [1] de Pierre Leroux. Ce dévoiement d’idées sera apprécié comme il le mérite par un homme qui en fait son état comme [vivre  ?], mon sublime salop. Hélas ! J’aimerais mieux le plus pâle rayon de soleil que tous ces rires jaunes qui me laissent triste au fond du cœur. J’aimerais mieux que tous les soleils du monde ton doux regard qui réchauffe mon âme. Mais puisque tout me manque à la fois j’en PROFITE pour être très bête, très maussade et très malheureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 183-184
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « quelque ».
b) « courreriez ».


Jersey, 20 novembre 1852, samedi après-midi, 3 h.

Ce serait bien le moment de venir à présent, mon cher petit bien-aimé, et même de me faire sortir si vous n’avez rien de mieux à faire. Mais je vous ai vu si occupé ce matin que je ne vous attends pas avant ce soir. Je ne peux pas pousser la résignation jusqu’à me réjouir de cette pensée mais je te promets, mon cher petit homme, de ne pas être trop grognon ni trop triste jusque- là. Tu fais bien d’ailleurs de profiter de ce court rayon de soleil pour marcher, je t’approuve du cœur et de l’âme en te priant de venir dès que le soleil sera couché pour que j’aie le temps de te voir un peu à mon tour avant le soir. Je regrette, mon bon petit homme, que tu ne puissesa pas me donner une occupation suivie qui m’apporte chaque jour mon petit contingent de bonheur. J’avais pourtant compté là-dessus pour peupler ma solitude… mais je crois que te voici justement. Et déjà ne vous voilà plus. Paraître à de longs intervalles et disparaître tout de suite tel est votre chicb mais alors MERDE DE CHIEN FAIS-MOI FAIRE UNE CONNAISSANCE [2]. Cet ultimatum une fois posé je m’en lave les pieds et je vous laisse toute la saleté de la chose. Du reste je crois que vous ferez bien de rentrer si vous tenez à conserver votre bosse à l’abri de l’averse qui va tomber tout à l’heure.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 185-186
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « puisse ».
b) « chicque ».

Notes

[1Pierre Leroux avait développé la théorie du circulus, qui prônait d’utilisation des excréments humains comme engrais agricole.

[2Vraisemblablement une citation dont la source est à élucider.

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