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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 14 novembre 1852, dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour je t’aime. Je suis revenue hier attendrie par ton ineffable bonté pour moi, mais assez inquiète de te savoir mouillé depuis les pieds jusqu’à la tête. Tu devrais avoir comme tous les hommes qui ne sortent pas habituellement après le dîner, un bon costume de chambre et de bonnes pantoufles bien chaudes. De cette façon tu éviterais les rhumes et les rhumatismes au lieu de les favoriser, en conservant chez toi tes vêtements mouillés, surtout tes souliers. Ce que je te dis là, mon bien-aimé, pour n’être pas tiré de l’almanach des bons conseils, ne mérite pas moins que tu le prennes en considération, ne fût-ce que pour flatter mon amour propre d’auteur et tranquilliser mon pauvre cœur de Juju. Le cidre [1] de Charles a dû se ressentir de l’affreux temps d’hier. Il est vrai que les démocrates et les canards ne reculent pas devant le barbotagea. Seulement ils ont peu l’habitude de se produire dans un salon dans ce costume plus fait pour les marées et les étangs que pour les parquets et les tapis. Quant à moi, je suis rentrée dans un état difficile à décrire car la pluie a redoublé avec rage dès que je t’ai eu quitté et les omnibus, les charrettes, les piétons, à cause du jour de marché, n’ont pas cessé de me barrer le passage et de nous ahurir jusque chez nous. Du reste j’en avais pris d’autant plus bravement mon parti que je n’avais rien à gâter. Aussi je suis arrivée en riant de tout mon cœur de mon équipage embourbé. Puis je me suis changée devant un grand feu en pensant avec regret que tu ne pouvais peut-être pas en faire autant et puis je t’ai plaint, je t’ai aimé, je t’ai béni et t’ai adoré jusqu’à présent.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 163-164
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « barbottage ».

Notes

[1Cidre : réunion politique dînatoire. Charles Hugo y participe depuis le premier exil bruxellois de son père.

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