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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 22 juillet 1852, jeudi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon bien aimé, bonjour mon Victor, bonjour, je t’espère ce matin et je t’attends toujours. Tu n’as pas pu revenir hier au soir mais cela ne m’a pas étonnée parce qu’il est presque impossible que tu reviennes assez tôt de chez Dumas et surtout que tu en reviennes sans ton fils. J’espère que tu viendras ce matin parce que tu as tout ton travail ici. Aussi je me dépêche de secouer mes puces pour te laisser la place nette quand tu viendras. J’ai sacrifié mon bonheur à la prudence hier bien inutilement car il n’a pas plu. Mais à la veille de partir, mon cher petit homme, j’ai craint de retomber dans ces affreuses douleurs qui me paralysent les membres et dont je ne suis pas encore débarrassée tout à fait. Cependant, si j’avais su qu’il ne pleuvrait pas, je me serais donné la joie d’aller te conduire chez Dumas. Une autre fois, si l’occasion se présente, je tâcherai d’être mieux inspirée. Du reste, mon petit bien-aimé, tu connais la monotonie de ma vie quand je ne suis pas avec toi. Je ne m’en plains pas car toutes les prétendues distractions dont tu n’es pas me semblent plus insipides et plus fadasses que le vin de curé belge. Hier nous avons passéa la soirée, Mme Luthereau et moi, tout à fait seules, son mari étant parti faire sa partie dehors. Pendant que j’étais chez moi, Yvan est venu dire que Reybaud venait de partir pour Paris, ce qui ne m’a pas étonnée parce que la vieille égoïste aurait craint en prévenant son monde quelques heures d’avance qu’on ne la chargeât de lettres ou commissions qui auraient pu la compromettre ou la déranger et surtout qui auraient répugné à ses sentiments classiques et réactionnaires. Telle est sa grandeur, ce qui n’a pas empêché Mme Luthereau d’être furieuse contre elle parce qu’elle voulait la prier de lui rendre un petit service auprès de ses fils. Mais je vous bavarde comme une pie borgne sur des choses les plus bêtes et les plus insignifiantes, tandis que j’ai mon cœur tout plein de tendresse et de d’amour et que j’ai à copier comme un chien. Baisez-moi et venez bien vite, je vous attends les armes à la main.

BnF, Mss, NAF 16371, f. 185-186
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « passées ».

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