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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 13 avril 1852, mardi matin, 8 h.

Bonjour mon bon petit homme, bonjour, sur tes pauvres petits yeux fatigués par le rhume, bonjour, sur ta belle petite bouche qui me sourit bonjour, je t’aime. Comment vas-tu ce matin, mon pauvre bien-aimé ? Ton rhume de cerveau diminue-t-il un peu ? Ce serait le moment de reposer un peu ta tête fatiguée en ne travaillant pas pendant un jour ou deux. Mais je crains que ma recommandation ne serve pas à grand-chose car tu es d’une activité au travail qui va jusqu’à l’entêtement et à la férocité pour toi-même. C’est plus que courage, mon pauvre sublime piocheur, mais c’est beaucoup moins que de la raison. Si tu étais bien gentil aujourd’hui tu viendrais me prendre après-midi et nous nous promènerions pendant qu’il fait chaud. Demain je ne le pourrai peut-être pas à cause de ma médecine tandis qu’aujourd’hui je suis sûre de moi. Je me tiendrai prête dans tous les cas. Ma santé, mon bonheur, tout me vient de toi. Tout est à toi. Fais-en ce que tu voudras.
J’ai été bien malheureuse depuis deux jours, mon pauvre adoré pendant lesquels il a été impossible de te gribouiller deux mots de suite. J’y avais pourtant essayé mais c’était si incohérent, si bête et si absurde que j’ai tout jeté au feu. Ce n’est pas que je crois avoir plus d’esprit un jour que l’autre, mais au moins je ne suis pas folle tout à fait. Ah ! Que je vous laisse dire le contraire et vous verrez comme je me rebifferai sur votre vieux enchifrenéa. En attendant dormez la grasse matinée et tâchez de vous guérir pour que je me porte bien. Sur ce je vous baise sur toutes vos chères petites coutures et je vous adore de même.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 297-298
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « enchiffrené ».


Bruxelles, 13 avril 1852, mardi après-midi, 1 h.

Impossible de savoir par cette stupide fille comment va ton rhume. Tu travailles dit-elle, donc tu n’es pas malade. Belle raison, ma foi, pour me rassurer. Enfin, mon pauvre petit homme, il faut bien que je m’en contente jusqu’au moment où je te verrai. Mais j’aurais préféré que tu me fasses dire comment tu avais passé la nuit et comment tu te trouvais à ce moment-là.
Encore une autre contrariété : personne dans la maison ne connaît le raccommodeur de souliers, excepté la femme de ménage de Mme Wilmen, laquelle est partie pour jusqu’à demain matin. Quant aux autres bonnes de la maison, l’une se marie, l’autre perce un abcès, l’autre arrive de son pays et ne connaît pas encore la ville. Tu vois, mon pauvre bien aimé, combien il m’est impossible de faire raccommoder tes souliers pour aujourd’hui. Je crains qu’on ne puisse pas les raccommoder du tout tant ils me paraissent mauvais. Cependant j’essaierai demain. Jusque-là mon petit homme, il faudra te servir des neufs. Maintenant est-ce que je ne te verrai pas un peu tout à l’heure ? Est-ce que nous ne sortirons pas un peu ? Je serais pourtant bien en train de galoper avec toi aujourd’hui. Demain Dieu sait ce qui se passera avec cette médecine. Quoique tu décides mon petit homme, je serai contente et heureuse si tu te portes bien et si tu m’aimes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 299-300
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

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