Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1841 > Décembre > 23

23 décembre [1841], jeudi soir, 6 h.

Vous voilà bien content, mon ravissant petit floueur, d’avoir inventé un CRIME d’un nouveau genre. Il n’y a qu’une petite difficulté, c’est que je m’oppose à ce que vous le COMMETTIEZ jamais en graisse et sans graisse, ni même à L’ANGLAISE comme les légumes verts. Vous aurez beau faire et beau dire, cela vous est défendu de para JUJU et son GRAND COUTEAU, c’est ce qui vous LA COUPE. M’avez-vous assez menti depuis huit jours avec votre SÉANCE REMISE, et vous croyez que j’ai donné dans la B…..b LAGUE plus souvent. Je donnerais plutôt ma confiance à Jacquot qu’à vous. Ahc ben ouiche que je vous crois à côté, il y a de la place. Je ne suis plus si bête à présent, c’est dommage que cela m’arrive un peu tard.
J’ai eu la visite de la mère Lafabrègue tantôt, je lui ai donné ses 10 F. comme de juste puisque je les avais. J’aurais besoin d’épicerie mais je ne sais pas si j’aurai assez pour en faire venir une provision. Je te consulterai là-dessus ce soir.
J’étais bien malade tantôt, mon pauvre amour. Sans grimace aucune, tu peux me croire car j’ai bien du courage et quand je me plains, c’est que c’est sérieux. Ce soir, je vais mieux mais je sens que j’aurais besoin d’un peu d’exercice pour diminuer mon mal de tête. Tu serais bien gentil si tu venais me prendre après ton dîner, PAS POUR VOIR LES BOUTIQUES [1], mais pour marcher et pour être avec toi bras dessus bras dessous. C’est si bon et si rare ce bonheur-là que je ne me lasse pas de le demander et de le désirer. J’espère que tu ne me compteras pas cette petite matinée toute étriquée et toute blaireuse d’aujourd’hui parmi les matinées heureuses et triomphantes que tu me donnes de temps en temps ? Je n’en veux pas d’abord, ainsi tu seras bien forcé de la reprendre pour ton propre compte. Je t’engage aussi [à] me rabibocher bien vite du CHOU BLANC de ce matin, pour cela vous n’avez qu’à venir demain ou plutôt cette nuit et le malheur sera réparé. Il est vrai que demain, vous n’aurez ni séance ni cérémonie et par conséquent aucune nécessité de vous en aller à heure fixe [2], ce qui est un motif de plus pour vous empêcher de venir, n’est-ce pas mon, Toto ? Oui oui, vous êtes un gaillard bien amoureux, il faut le dire vite et ne pas se tromper. Mais moi, je vous aime de toute mon âme malgré tout et toujours de pire en pire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 239-240
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « part ».
b) Il y a plusieurs points de suspension dont le nombre est difficile à distinguer.
c) « À ».

Notes

[1Reproche ordinaire de Juliette à Hugo qui courtiserait les filles de boutique.

[2Tous les jeudis ont lieu les séances publiques à l’Académie et Hugo n’en manque jamais une seule. Quant à la séance particulière qui vient d’avoir lieu le jour même, il s’agit de l’élection de Alexis de Tocqueville au fauteuil 18, en remplacement du défunt comte Lacuée de Cessac. Il sera reçu par le comte Molé le 21 avril 1842. Le nombre des votants était de 31, la majorité de 16. Au premier tour de scrutin, M. de Tocqueville a obtenu 15 voix, M. Vatout 9 et M. Aimé Martin 7. Au deuxième tour, Tocqueville a réuni 21 suffrages, Vatout 8 et Aimé Martin 2 (Annuaire historique universel ou Histoire politique pour 1841, rédigé par MM. V. Rosenwald et H. Desprez sous la direction de M. C. L. Lesur, Paris, 1842, p. 257).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne