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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mai 1839

19 mai [1839], dimanche matin, 11 h.

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon cher bien-aimé. Je vous attends toujours mais sans vous espérer car je sais combien vos promesses sont trompeuses. Certes si on m’avait donné à choisir entre une journée entière passée avec toi, ou même une heure, ou seulement une minute et les plus beaux affiquets du monde, je n’aurais pas hésité à choisir toi. Malheureusement ce ne sont ni mes besoins ni mes goûts qu’on consulte en ce monde, on peut s’en apercevoira à ma tristesse et à mes plaintes continuelles. Je vous aime, Toto, vous vous en apercevrezb quand il ne sera plus temps, mon bon petit homme, et quand je ne serai plus bonne à rien.
Je t’aime. Je suis inquiète de cette pauvre petite Lanvin. Je tâcherai d’y envoyer Suzanne tantôt. Je suis on ne peut plus contrariée de la petite dépense que ces gens ontc cru devoir faire pour ma fête. Il n’y a rien de tel que les pauvres gens pour s’imposer des dépenses inutiles et des tributsd absurdes. Vraiment leur politesse est bien ridicule dans un pareil moment. Enfin il faut prendre ces pauvres gens-là comme ils sont et plaindre cette pauvre petite fille qui n’a fait que souffrire depuis qu’elle est au monde. Je n’attends pas Mme Pierceau aujourd’hui, ma fête étant après-demain, elle croira, avec raison, qu’il est plus digne de ne pas venir aujourd’hui. Je t’aime, mon Toto, je te le crie du fond de l’âme parce que c’est bien vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 181-182
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « apercevoir ».
b) « appercevrez ».
c) « on ».
d) « tribus ».
e) « soufrir ».


19 mai [1839], dimanche soir, 5 h. ¾

Pas encore venu, mon adoré ? Et moi qui t’aime tant et dont chaque minute d’absence pèse sur mon cœur comme une année. En vérité je ne suis guère bien favorisée par le Bon Dieu ni par vous, mon Toto. Il est sûr à présent que Mme Pierceau ne viendra pas et elle ne m’a pas écrit et elle ne m’a pas envoyé sa servarde. Politesse sur politesse et dont je m’affecte peu à la fois. À cause d’elle je n’ai pas envoyé chez les pauvres Lanvin, ce qui est plus triste. Cependant, je tâcherai d’y envoyer ce soir.
Je voudrais bien sortir un peu avec toi ce soir, et si j’osais pousser encore plus loin l’indiscrétion, aller à Ruy Blas si on le donne comme tu me l’as dit, aujourd’hui. Il est peu probable que tu écoutes favorablement mes prétentions car tu y mets avec moi une fausse coquetterie tout à fait cruelle. À propos, est-ce pour me tenter indéfiniment que vous me laissez sous les doigts vos secrètes élucubrations ? Je vous préviens que ma vertu n’est pas tellement tenace qu’elle ne finisse par succomber à cette tentation de tous les jours et de tous les instants. Ainsi, tenez-vous pour averti : à partir du jour où vous aurez lu ce griffonnage, je ne réponds plus de moi. Je vous aime, Toto, mais je ne vous vois pas assez, ce qui me rend triste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 183-184
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

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