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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 avril 1839

7 avril [1839], dimanche matin, 11 h ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon adoré, quel beau jour et comme on serait heureux de vivre ensemble sous ce soleil-là, dans la campagne, au grand air ; comme le bonheur et l’amour s’épanouiraient ! D’y penser, je suis prête à pleurer de regrets et de désirs. Il me semble que nous ne serons plus jamais heureux comme autrefois et je sens que je t’aime et que j’ai besoin de toi pour vivre. Je t’aime, Toto, je t’aime de toute mon âme. Ma cocotte est bien gentille. J’espère que je la sauverai et que j’en ferai une cocotte très distinguée, mais aussi je veux la garder pour moi. Mlle Poupée [1] en aura d’autresa quand elle voudra tandis que moi je ne pourrai même pas avoir un SRIN. C’est dit, c’est convenu, je la garde, je ne m’en dédis pas. Mon Dieu, quelle belle journée. Pourquoi faut-il que vous ne soyez pas dans mon lit pour en jouir, car nulle part, excepté sur les routes, le soleil ne peut être plus beau qu’ici, dans l’or, la soie et les plumes de cocotte. Nulle part ? Hélas, je me trompe : le soleil n’est beau que où vous êtes car c’est vous qui êtes le vrai soleil, l’autre n’en est qu’une pâle copie, qu’un méchant reflet. Je ne veux plus le regarder, j’aime mieux me souvenir de vous.
Plus je regarde ton cher petit portrait et plus je crois que si Nanteuil voulait retoucher le nez ce serait le plus ressemblant qu’on eût fait jusqu’à présent. Tu m’avais promis de tâcher de le voir, ce pauvre Nanteuil, et tu ne le fais pas. Vous êtes une bête. Taisez-vous. Donnez-moi votre petit vec et baisez-moi tout de suite. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 23-24
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « d’autre ».


7 avril [1839], dimanche soir, 5 h. ¼

C’est bien vrai que tu es mon petit homme adorable et adoré. Tout ce que tu dis est bon, aimable, charmant et doux, je t’aime. Tu travailles, mon adoré, et je ne m’en aperçoisa que trop à la brièveté de tes apparitions et à la tristesse de mon pauvre cœur. Quand donc ce travail opiniâtre cessera-t-il ? J’ai bien besoin de bonheur. L’amour, c’est un feu qu’il faut attiserb et le nôtre depuis longtemps brûle et se consume sans réchauffer et sans égayerc nos pauvres âmes. J’ai hâte de savoir que tu as fini parce qu’alors je serai dans mon droit d’exiger quelques jours de repos pour toi et de fêtes et de joie pour moi. Je vous aime, Toto, plus que vous ne pouvez le désirer car c’est au-dessus de tous les souhaits et de touted expression. Aussi, juge de ce que je dois souffrir de ton absence. Je souffre autant que je t’aime. Si on pouvait donner des années de sa vie pour une minute de bonheur avec l’homme qu’on aime, il y a longtemps que [je] ne [serais  ?] plus de ce monde et que j’aurais escompté ma vie, car t’aimer et t’attendre, ce n’est pas vivre, c’est souffrir. Si je pouvais seulement espérer un petit voyage d’un mois cet été, cela me donnerait du courage mais tu n’en parlese pas, ce qui me paraît d’un très mauvais augure et m’ôte le peu de courage que j’ai [2]. Je t’aime trop, vois-tu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 25-26
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « apperçois ».
b) « atitiser ».
c) « égaier ».
d) « tous ».
e) « parle ».

Notes

[2Leur voyage annuel se déroulera du 31 août au 26 octobre.

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