Paris, 9 juin 1881, jeudi matin, 11 h.
Cher bien-aimé, si tu as bien dormi, tant mieux, et vive Victor Hugo, si digne de ce nom ! Si au contraire tu as eu comme moi une mauvaise nuit, tant pis, et vive plus que jamais Victor Hugo, le grand, le bon, le sublime, le divin Victor Hugo que je vénère, que j’admire, que j’aime et que j’adore.
Jourde t’a envoyé ce matin avec sa carte Le Siècle d’aujourd’hui, lequel contient un admirable article d’Edmond Texier sur ton livre [1]. Comme il y en avait trois numéros, j’en ai envoyé un à Mme Lockroy, j’en ai pris un pour moi et je t’avais gardé l’autre tout d’abord. Cela m’a permis de donner le mien séance tenante [à] ma bonne petite nièce Ottilie Koch.
Pierre Véron t’écrit, en t’exprimant tous ses regrets, qu’il part pour Versailles pour une affaire qu’il ne peut pas remettre, ce qui l’empêchera de profiter de l’honneur de dîner avec toi. Mme Lockroy m’a envoyé une pétition à signer pour Mme Grenier [2] que Lockroy doit remettre aujourd’hui même à Jules Ferry. Cela sans préjudice du mariage de ce bon Bazire auquel tu fais l’honneur d’assister [3]. Et à ce propos, si je dois t’y accompagner, il faudra que nous allions ensemble de notre côté pendant que Lockroy ira du sien parce qu’il n’y a pas chance de trouver une voiture à trois places à la station. Et puis cette voiture devra être fermée parce qu’il fait un froid de loup et qu’il pleut. Voilà, mon cher petit homme, ce que je te confie en même temps que le mot de mon cœur : je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 126
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette