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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 2 février 1881, mercredi, midi ¼

Cher bien-aimé, ça n’est vraiment pas de ma faute si je suis presque tous les jours matériellement empêchée de t’écrire autant et aussi régulièrement que je le voudrais [1]. La charge de ta lourde maison en est seule la cause. La complication des jours courts et de tes courses au Sénat s’y ajoute encore. Mais ce qui est différé, épistolairement, n’est pas perdu pour mon cœur ni pour le tien, je l’espère ? En attendant que tu me confirmesa toi-même dans cette douce croyance, je t’adore.
Que tu ailles au Sénat aujourd’hui ou que tu restesb à la maison, ce qui serait peut-être plus sage vu le temps grinchu qu’il fait en ce moment, je te fais souvenir que tu as [à] écrire à Mme Chenay pour les comptes de janvier et de février et à Mme Veuve Jules Favre [2] pour lui accuser réception des deux volumes de son mari qu’elle t’a envoyésc avec une dédicace autographe très respectueuse. En même temps je te donne dès à présent, quitte à te le rappeler le moment venu, la facture de Rousselle montant à 2,063 F. 65 et payable le 24 février prochain. Aujourd’hui j’ai payé la dernière quinzaine de ton lait du mois de janvier et me charge de payer le ramonage de toute la maison dès qu’on m’en présentera le compte. Je t’ai réservé le feuilleton dramatique du National de lundi dernier par Banville [3] qui doit être très probablement intéressant. Lesclide est venu chercher pour les montrer à Turquet les gravures du pauvre Chien-Caillou [4] malade à l’hôpital et ses pauvres enfants sans mère, dans la dernière misère.
Il pense obtenir du ministèrec quelque secours pour ces infortunés [5]. Puisse-t-il réussir. Enfin, mon pauvre adoré, je te prie encore de recommander au directeur de la Gaité cette malheureuse fille de la mère Séverte – au petit Gavroche – de la Grand-Placef de Bruxelles que tu as vue autrefois et que le bon Béru et les autres proscrits tenaient en grande estime [6]. Tu feras une bonne action de plus en recommandant sa fille pour une place d’ouvreuse et moi je te bénirai une fois de plus. Je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 14-15
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « confirme ».
b) « reste ».
c) « envoyé ».
d) « ministerre ».
e) « Seber ».
f) « grande place ».

Notes

[1La précédente lettre date du 28 janvier.

[3Entre janvier 1869 et février 1881, Banville rédige un feuilleton hebdomadaire consacré à la critique dramatique.

[4Surnom du graveur Rodolphe Bresdin.

[5Turquet est alors sous-secrétaire d’État au ministère de l’instruction publique chargé spécialement de la direction des beaux-arts.

[6Dans Choses vues, Victor Hugo écrit en date du 28 septembre 1867 : « Blanqui est à Bruxelles. À peu près caché. Il loge Grand’Place, chez une marchande de tableaux. Mme Sévert, à l’enseigne du Petit Gavroche. Cette maison est contiguë à celle où j’ai logé en 1852. Dans l’arrière-boutique de Mme Sévert, française et proscrite, il y a mon portrait. / Berru a rencontré Blanqui ; il le dépeint ainsi : — Un petit vieillard, barbe grise, l’œil pensif et intérieur, marchant difficilement, un peu courbé, large chapeau mou. »

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