Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1841 > Octobre > 22

22 octobre [1841], vendredi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher adoré petit homme. Comment vas-tu ce matin, mon amour ? Pourquoi n’es-tu pas venu ? Pourquoi avoir coupéa si brusquement ce pauvre petit brin de bonheur que tu me donnais un peu chaque nuit ? Je sais bien que tu travailles, je sais bien que tu as beaucoup d’affaires, mais je sais que je t’aime et que je n’ai pas d’autre joie dans ce monde que de te voir. Aussi, mon pauvre Toto, je suis toute triste et toute mouzon ce matin, quoiqu’il fasse très beau et que j’aie lu ma bonne petite page 9b [1], mais rien ne vaut ton regard arrêté sur le mien et ta bouche fixée sur la mienne, voilà mon opinion.
Il est probable que vous aurez cette bague, mon amour, mais j’espère que vous ne me ferez pas le chagrin de lui donner le pas sur la mienne. Ce serait plus qu’un affront, ce serait une mauvaise action qui me ferait le plus grand chagrin que j’aie éprouvé. Mais tu n’es pas capable de cela, mon amour, tu es trop bon, trop généreux pour faire du mal à une pauvre créature qui t’aime de toute son âme. Ainsi, prends cette bague et porte-la, si tu peux, accouplée à la mienne, mais j’en doute et je crois que tu seras obligé de la porter en guise de cachet à la chaîne de ta montre [2]. Jour Toto, jour mon cher petit o, tu vois que j’ai confiance en toi, c’est la plus grande preuve d’amour après la jalousie. Je t’aime, mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 45-46
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « couper ».
b) Le chiffre est écrit en gros.


22 octobre [1841], vendredi après-midi, 1 h. ½

Je viens de finir de copier la feuille que tu m’avais donnée hier, mon adoré, tu serais bien charmant de venir tout de suite m’en redonner unea autre. Tu vois à la manière dont j’emboîte le pas que je ne me ralentisb pas, au contraire, tu serais donc bien bon et bien ravissant si tu voulais me donner de l’ouvrage tout de suite. Je vais envoyer Suzanne faire ta commission, pendant ce temps, je ferai ta tisanec, ma lampe et ma toilette. Ce diable de Jourdain qui ne vient pas, cela me contrarie au dernier point. Je suis impatiente de voir l’effet de notre étoffe.
Du reste, il fait un temps admirable et qui vous fait venir la promenade à la geule, si on pouvait la faire avec son Toto bras dessus bras dessous dans quelque Forêt-Noire quelconque [3]. Pensez-à moi, mon Toto, je vous aime de toute mon âme. Je ne suis occupéed que de toi, je ne pense qu’à toi, je ne vis que par toi, je suis toute à toi. Jour Toto, mon cher petit bien-aimé, jour mon Toto chéri. Ne sois pas longtemps sans venir.
Je suis sûre que vous avez déjà votre fameuse bague ? J’espère qu’elle ne fera aucun tort à la mienne et je vous la permetse de très bon cœur à cette condition. Je voudrais bien vous voir, mon amour. Le temps ne passe pas vite sans vous, j’ai beau l’employer le mieux que je peux, les heures sont toujours des siècles en votre absence. Venez bien vite, mon amour, que je vous baise de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 47-48
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « un ».
b) « ralentit ».
c) « tisanne ».
d) « occupé ».
e) « permet ».

Notes

[1Hugo est en train d’écrire la conclusion du Rhin.

[2Juliette veut faire faire une bague à Hugo qui porte son nom, à condition qu’elle ne coûte pas trop cher (voir la lettre du lendemain). Néanmoins, il semblerait qu’il en attende aussi une autre avec ses armoiries et finalement, Juliette s’occupera des deux. Le bijou coûtera 40 F.

[3Depuis 1834, Hugo et Juliette ont pris l’habitude d’effectuer un voyage de quelques semaines ou mois pendant l’été et le printemps. C’est ainsi que l’année précédente, ils sont partis pendant deux mois sur les bords du Rhin et dans la vallée du Neckar mais en 1841, leur voyage annuel n’aura pas lieu.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne