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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 mars 1841

10 mars [1841], mercredi matin, 11 h.a

Je t’écris bien tard, mon cher adoré, voici pourquoi : – on n’est pas encore venu chercher Clairette. Quand je m’en suis aperçue ce matin, je me suis hâtéeb de la faire déjeuner avec moi pour qu’elle n’ait pas mal à l’estomac. Tu sais que je ne peux pas écrire aussitôt après avoir mangé, aussi je me suis levée et j’ai tâtonné dans ma chambre jusqu’à présent. Voilà mon cher petit, ce qui est arrivé.
Quant à ma Clairette, elle attend depuis ce matin qu’on la ramène à la pension. Il faut qu’il soit survenu quelque chose à ces pauvres Lanvin pour qu’il n’en soit pas venu encore un seul, bien qu’il ait été convenu hier qu’on la reconduirait de très bonne heure. Tout cela fait perdre beaucoup de temps malheureusement. C’est l’inconvénient attaché à ce mode d’allées et venuesc, mais qu’y faire ?
Je t’aime mon Victor. Je t’aime, tu es bon. Tu m’as dit hier de douces et de généreuses paroles. Merci du fond du cœur, mon adoré, merci, tu es non seulement le plus beau, le plus noble des hommes, tu en es encore le plus doux et le plus généreux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 212 bis-212 ter
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) La date du 10 a été corrigée par une main anonyme en 8. L’année 1843 a été ajoutée également par une main anonyme et cette lettre est refoliotée manuellement 212 bis et 212 ter. Conservée à la BnF dans le fichier de l’année 1843, elle ne saurait avoir été écrite cette année-là : Juliette aurait parlé de la première représentation des Burgraves.
b) « hâté ».
c) « venu ».


10 mars, mercredi, midi ¾ [1841]

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Comment vas-tu ce matin mon bon petit homme ? Comment m’aimes-tu ? Moi, je vais bien et je t’aime de toute mon âme voilà ma santé. Baise-moi toi scélérat baise-moi mon adoré je t’aime, je t’aime.
La petite Lanvin sort d’ici. Elle venait pour la reconnaissance à renouveler, sa mère étant très souffrante et son père ayant de l’ouvrage elle est venue pour utiliser son temps. La pauvre petite, ça fait pitié de la voir. Heureusement qu’il y a beaucoup de ressource dans la jeunesse car ce serait désespérant si elle restait dans cet état-là.
J’attends mes créanciers. Tout à l’heure je vais me lever pour les recevoir. Demain, mon cher adoré, tu tâcheras de me mener voir mon pauvre père n’est-ce pas, mon bon Toto ? Je serai bientôt prête. Et puis n’oublie pas ce que tu m’as promis touchant ton perruquier. J’y tiens beaucoup. Ce n’est pas la première fois que je t’ai montré mon inquiétude à cet endroit ainsi mon Toto, je te serai reconnaissante de ce que tu feras pour la dissiper entièrement.
Jour Toto je t’aime. Jour mon petit o. Je t’adore mon bon petit bien-aimé. Je baise tes mains et tes chers petits pieds adorés.

Juliette

Vente ADER Nordmann, salle des ventes Favart, 26-27 avril 2017, no 139
Transcription d’Evelyn Blewer


10 mars [1841], mercredi soir, 6 h.

Vous êtes sans pitié pour votre pauvre Juju, mon Toto, peu vous importe qu’elle souffre et vous vous moquez de son bonheur pourvu que vous soyez libre, à l’air, au soleil et loin d’elle. Ceci n’est que trop vrai et je m’en aperçoisa de jour en jour davantage. Par exemple, aujourd’hui, qu’est-ce qu’ilb vous en aurait coûté de me faire prendre l’air avec vous si vous l’aviez voulu ? J’aurais passé toutc de suite une robe et j’aurais eu un moment de joie, mais vous n’êtes pas si bête. Diable, du bonheur, de la joie, comme j’y vais, on voit bien que cela ne me coûte que des jours de tristesse, des nuits sans sommeil, des maux de tête et des maux de gorge affreux. Ça n’est pas assez, il faut bien autre chose encore ma foi pour avoir droit à un rayon de soleil ou d’amour. Donc je reconnais que je suis une exigeante, une impertinente et une embêtante de demander la chose impossible, et je vous engage à persévérer dans votre manière d’être avec moi. Ça ne peut pas manquer de me faire crever dans un temps donné. C’est toujours ça et je ne m’en plains plus. Taisez-vous, affreux scélérat, ou je vous griffe de l’autre côté [1]. Baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 227-228
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « apperçois ».
b) « qu’est-ce qui ». Juliette avait d’abord écrit la bonne forme, avant de la barrer.
c) « toute de suite ».

Notes

[1Cette remarque fait référence à ce qui s’est passé la veille : « Toto vous avez de ravissants coups de griffes contre l’œil ».

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