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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 janvier [1841], vendredi matin, 9 h. ¼

Bonjour mon Toto adoré, bonjour mon cher bien-aimé. Comment vas-tu ce matin, mon amour ? Moi je vais bien quoique j’aie fort peu dormi. J’ai entendu sonner 3 h. cette nuit sans me sentir la moindre envie de dormir et j’étais réveillée à huit heures. Tu vois que j’ai très peu dormi et qu’il s’en faut de beaucoup que j’aie fait mes HUIT heures. Malheureusement, ceci ne peut pas me compter dans mon prix de vertu. C’est dommage car enfin il serait bon de rembourrer vingt ans de prix Montyona [1] par toutes sortes de choses qui feraientb ventre, sauf à fermer l’entrée du sac par les BAUTTES SUR LE LIT [2]. VOIME,VOIME.
Pourquoi n’es-tu pas revenu ce matin, mon bien-aimé ? Tu me l’avais tant promis cette nuit que je croyais devoir un peu compterc sur ta promesse, quoique je sache par expérience combien elle est FALLACIEUSE en tout ce qui regarde mon bonheur. Je ne veux pas trop te grogner, mon amour, parce que je sens dans le fond des entrailles que je ne t’en veux pas. Je sais que tu as travaillé pour moi et j’ai le cœur plein de pitié, de reconnaissance et d’amour. Je voudrais baiser tes chers petits pieds et te bercer dans mes bras. Je t’aime, mon adoré petit homme, avec le cœur et l’âme. Je t’aime de tous les amours à la fois, comme une mère, comme une femme et comme une dévote car je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 43-44
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « Monthyon ».
b) « ferait ».
c) « compté ».


15 janvier [1841], vendredi soir, 10 h. ½

Ma pendule avance de prèsa d’une heure [3], mon cher adoré. Je ne t’ai pas écrit plus tôtb parce que derrière toi est arrivée Mme Lanvin qui venait de la pension et de chez la maîtresse de DESSIN. Son mari ira demain pour la reconnaissance et pour faire acquitter la note du trimestre qui se monte en tout à 154 F. 25 sous [4]. Il est vrai de dire qu’il n’y a qu’un mois de dessin et deux mois de piano, la maîtresse ayant été malade et Claire ayant eu des vacances à notre retour de voyage [5].
Bref, sur les 190 F. restant tantôt dans mon tiroir, l’argent de la reconnaissance donné, je n’ai plus que 25 F., mais il me faudra du vin d’ici à deux ou trois jours et deux bouteilles d’élixir pour nous. Je voudrais même que tu pensassesc à me rapporterd la petite bouteille vide, ce sera toujours deux sous de plus dans ma poche et j’y tiens beaucoup.
Mon pauvre adoré, je ris mais je n’en ai pas envie quand je pense comment tu gagnes l’argent que tu me donnes, j’ai plutôt envie de pleurer et de me sauver à l’autre bout du monde tant j’ai pitié de tes pauvres yeux et de ton repos que tu sacrifiese si généreusement pour moi toutes les nuits. Mon amour, mon Toto, ma vie, mon âme, tu ne sais pas comment je t’aime mais je souffre de ton courage et de ton dévouement et je t’adore à genoux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 45-46
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « prêt ».
b) « plutôt ».
c) « pensasse ».
d) « raporter ».
e) « sacrifient ».

Notes

[1Le prix Montyon est un ensemble de trois prix annuels. Le premier, le prix de vertu, et le second, le prix pour l’ouvrage littéraire le plus utile aux mœurs, sont décernés par l’Académie française. Le troisième est un prix scientifique attribué par l’Académie des sciences.

[2La veille, Juliette a reproché à Hugo de laisser traîner ses bottes sur le lit.

[3C’est visiblement un choix de Juliette Drouet, puisqu’elle le rappelle à de nombreuses reprises, et ce depuis plusieurs années (voir les lettres du 21 décembre 1840 ou du 21 et 22 janvier 1841).

[4La fille de Juliette Drouet, Claire Pradier, est pensionnaire depuis 1836 d’un établissement de Saint-Mandé où elle suit des cours de dessin et de musique. C’est Hugo qui paie ses frais de scolarité et ce sont les Lanvin qui se chargent d’apporter les règlements des frais de pension, mais aussi d’aller chercher et de ramener la jeune fille lorsqu’elle se rend chez sa mère.

[5Du 29 août 1840 au 2 novembre 1840, soit pendant deux mois, Victor Hugo et Juliette Drouet sont partis pour leur voyage annuel, en malle-poste, pour la région du Rhin et la vallée du Neckar.

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