Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1836 > Août > 6

6 août 1836

6 août [1836], samedi matin, 10 h.

Bonjour mon cher bien-aimé. Cette fois-ci vous êtes bien à Fourqueux [1], et j’en suis bien triste, parce que cela prouve que vous êtes loin de moi et que vous tarderez peut-être encore longtemps à venir. Cependant je vous ai fait acheter un très bon déjeuner, qui pourra à la rigueur vous servir ce soir : un bouillon froid, du poisson froid, des petits pois chauds, de la salade froide et des fraises idem.
Quanta au plat de mon Victor, je ne vous le servirai que bouillant et il faudra que vous l’avaliez de même.
Ma pendule s’étant arrêtée cette nuit, force m’a été de la remonter ce matin, à une heure quelconque. J’attends tantôt les cardeuses [2]. Je vous attends aussi, mon cher petit homme, tâchez que ce soit le moins longtemps possible. Sans cela attendez-vous à me trouver métamorphosée en NEZ de carton.
Je t’aime toi va je t’aime trop car je me calcine comme une vieilleb marmitec oubliée sur le feu qui s’attache au fond. J’ai eu un trop bon lit pour moi toute seule, vous auriez bien dû en venir prendre votre part. Mais vous ne savez rien faire à propos vous. VOUS ETES UNE BÊTE. Et moi aussi. Sur ce je vous lèche toutes les pattes et je me couche à vos pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 212-213
Transcription de Nicole Savy

a) « Quand ».
b) « vielle ».
c) « marmitte ».


6 août [1836], samedi soir, 6 h. ½

Mon Dieu est-ce que tu ne viendras pas ? Je commence à perdre courage et patience. J’avais tant espéré que tu viendrais dîner avec moi que maintenant j’éprouve un grand chagrin en pensant qu’il est bien tard et qu’il est peu probable que tu te sois mis en route par la grande pluie.
J’ai fini avec les cardeuses. Tout cela nous coûte beaucoup d’argent, c’était cependant une dépense urgente.
J’ai le cœur triste comme tu dois bien le penser. Pour un peu je pleurerais comme le temps. J’avais cependant préparé un dîner comme vous les aimez. Tout cela va être perdu car il est certain que de l’humeur dont je suis je n’en mangerai même pas le quart.
Il me semble mon cher bien-aimé que vous auriez très bien pu venir aujourd’hui, étant allé hier à FOURQUEUX [3] et pouvant motiver votre présence à Paris par vos affaires [4]. Mais vous ne m’aimez pas assez pour user de toutes vos ressources, vous oubliez que je n’ai de bonheur et de joie qu’avec vous, que pour ce bonheur-là je me suis isolée de tout le monde. Ce qui fait que vous absent, je suis tout à fait seule et délaissée. Je sais bien que vous allez me dire que vous travaillez, mais vous pourriez aussi bien travailler à Paris qu’à Fourqueux. Au reste si je n’ai pas le droit de vous faire un reproche à ce sujet j’ai celui de me faire tout le mal que je voudrai, et j’en use.
À quand vous voudrez mon cher bien-aimé. Je vous baise en attendant.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 214-215
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Cet été-là, Victor a loué une maison à Fourqueux, entre Saint-Germain-en-Laye et Marly-le-Roi, pour sa famille et ses amis. Il fait des allers et retours fréquents depuis la Place royale.

[2Le 30 juillet, Juliette a donné la laine de deux matelas à refaire, se chargeant elle-même d’en réparer les toiles.

[3Cet été-là, Victor a loué une maison à Fourqueux, entre Saint-Germain-en-Laye et Marly-le-Roi, pour sa famille et ses amis. Il fait des allers et retours fréquents depuis la Place royale.

[4Victor Hugo doit assister aux répétitions de l’opéra La Esmeralda, dont il a écrit le livret pour son amie Louise Bertin, à l’Opéra, rue Le Peletier.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne