Guernesey, 12 9bre [18]63, jeudi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher petit matinal, bonjour, mon sublime piocheur, bonjour. Je t’adore. Pendant que je fais paresseusement la grasse matinée toi tu travailles et tu trouves que tout est bien ainsi. Cela tient à tous les dons divins de bonté, de générosité, d’abnégation, de dévouement et de sacrifice que tu possèdes plus qu’aucun autre homme de ce monde. Sois béni et glorifié, mon doux adoré, par tous les cœurs honnêtes, intelligents et reconnaissants comme tu l’es par moi à tous les instants de ma vie. Je baise tes chers petits pieds avec vénération et je t’aime par-dessus mon âme. Je pense que le jeune Pelleport sera parti ce matin [1] avec le Weymouth et que sa bonne grand-mère n’aura pas été trop tourmentée de son absence. Il serait triste de penser qu’un acte si charmant et si touchant fait par ce brave jeune homme en témoignage d’admiration et d’amour pour toi ait coûté un moment d’inquiétude et de chagrin à sa pauvre vieille grand-mère. J’espère que le bon Dieu ne l’aura pas voulu. En attendant voici le temps qui paraît se rasséréner ce qui permettra à ton fils de revenir aujourd’hui s’il y a bateau comme on l’affirme [2]. Quant à moi, je l’attends tout cœur dehors avec le désir qu’il soit heureux et toi aussi, et puis je t’aime, je t’aime, je t’aime.
J.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 251
Transcription de Gérard Pouchain