6 juillet 1863

Guernesey, 6 juillet [18]63, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je vous aime, et vous ? J’espère que vous ne vous plaindrez pas de ma nuit qui s’est prolongée jusqu’à 7 h. ¼ du matin ? Il est vrai qu’il y a eu quelques entractes, mais, somme toute, j’ai admirablement bien dormi. Quel beau temps, mon cher petit homme ! trop beau même car il est presque impossible de sortir en plein soleil et le soir tu n’es pas libre. Il n’est pas probable que tu le sois non plus dans la journée tant que ton fils Charles sera ici ? Quant à moi je me mets à ta disposition pour tout faire soit pour sortir soit pour rester. L’important pour moi c’est que tu sois le plus heureux possible et les autres aussi. J’ai commencé par le COMMENCEMENT le livre de ta femme [1] qui est vif, charmant, robuste, bien portant et riant comme la jeunesse qu’il rappelle. Je n’ose pas pousser plus loin la confidence de mes impressions dans la crainte de mal dire, mais je peux dire que j’aime beaucoup le livre par tout ce que j’en connais et le gracieux procédé de l’auteur envers moi ne diminue pas cette sympathie pour tout le reste. Je pense que je barbouille mes idées au lieu de les éclaircir. Je m’arrête tout court pour t’aimer car c’est ce que je sais faire le mieux. À cette joute-là je ne crains personne et je défie tous les cœurs et toutes les âmes, au ciel et sur la terre, de t’aimer plus que je le fais.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 179
Transcription de Gérard Pouchain