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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 9 octobre 1863, vendredi matin 8 h.

Bonjour, mon cher petit matinal, bonjour, que Dieu te bénisse, je t’aime. J’ai cherché à te voir depuis que je suis levée mais inutilement jusqu’à présent. Il est vrai que je suis descendue presque tout de suite ici pour n’avoir pas la tentation de REPRENDRE MES HABITUDES. Quant à toi, mon pauvre piocheur, tu n’as pas attendu longtemps pour les reprendre, TES HABITUDES, à en juger par tes draps hissés au toit de ta maison comme en plein été, ce qui veut dire : TRAVAIL, et, je l’espère aussi : SANTÉ ! Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme ? as-tu bien dormi toute la nuit sans interruption ? te verrai-je ce matin selon ta douce habitude, avant ton déjeuner ? et je [m’en  ?] fais d’avance [mon  ?] grand bonheur. Pour te plaire et pour t’obéir, j’ai dormi à poings fermés toute la nuit et j’ai ronronné dans mon lit jusqu’à 7 h. ½ comme une vraie paresseuse que je suis. De plus je laisse à Suzanne toute la besogne de mon ménage absolument comme si j’avais cent mille livres de rente. Ceci n’est pas mal pour une femme qui N’EN Aa PAS L’HABITUDE, tout cela pour vous complaire, mon cher petit TYRAN, mon divin ÉGOÏSTE, mon FÉROCE adoré. Cependant, comme je ne veux pas mourir de gras fondu avant VOTRE HEURE il faudra que vous ayez la bonté de me donner la besogne attrayante après laquelle mon cœur soupire depuis longtemps, sans égard pour les droits, contestables, de Mme Chenay qui peut employer son activité d’une autre manière et [s’utiliser  ?] à propos dans l’intérieur de votre palais et de votre temple, mon roi et mon Dieu. Quant à moi je veux ma part d’honneur et de bonheur de votre vie et je ne cesserai de la réclamer à grands cris et de toute la force de mes poumons et du bec de ma plume tant que vous ne me l’aurez pas rendue. Telb est mon style. Montrez-moi le vôtre à présent pour que je puisse le comparer. En attendant je vous aime plus qu’une femme ne pourrait le faire et presque comme une âme déjà en possession de l’éternité. Oui, je t’aime, mon divin adoré, je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16384, f. 219
Transcription de Gérard Pouchain

a) « n’en n’a ».
b) « telle ».

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