10 mai 1862

Guernesey, 10 mai 1862, samedi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour de pied en cap car je viens de t’apercevoir dans ton grand costume hydrothérapique. J’espère que tu as mieux dormi cette nuit que toutes les autres dernières, mon pauvre petit homme, et je m’en réjouis par anticipation avant d’en être bien sûre pour ne pas avoir à me reprocher d’avoir dormi comme une bûche toute la nuit pendant que tu aurais été en proie à l’insomnie. En attendant que tu me donnes toi-même le véritable bulletin de ta santé et de ta nuit, je pense à notre petit festival de ce soir. Tout ce qui me rapproche de toi et me fait vivre de ta vie est pour moi la joie la plus vive et le bonheur le plus intense. Aussi je compte les heures et les minutes qu’il y a entre ces deux jours bénis : LE MARDI ET LE SAMEDI. Dès que nous pourrons dîner dans le lucoot [1], ce sera tout à fait charmant et je pense que ce sera bientôt. Je me suis aperçue hier que tu avais oublié mon gribouillis et je le trouve si bête que je te supplie de me laisser le [illis.]. Je te LE RENDRAI, SOIS TRANQUILLE, et probablement encore plus stupidement tendre car il ne dépend pas de moi d’être autre que je ne suis. J’en ai honte, mais je t’aime trop pour me priver de te le dire [plusieurs mots illisibles].

BNF, Mss, NAF 16383, f. 119
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa