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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 3 février 1855, samedi soir, 5 h. ½

Hélas ! pourquoi n’est-ce pas encore aujourd’hui et pourquoi le bonheur se mange-t-il si vite qu’à peine on a le temps d’en reconnaître la saveur qu’il est déjà digéré avant qu’on n’ena ait pris plein sa dent creuse ?… Je vous avoue, mon cher petit homme, que je ne tiens pas autant à la restitus qu’à vous et que je ferais bon marché de mes pataquès pour peu que vous vous prêtiez à la transaction de mille millions de milliards de pattes de mouches contre un seul baiser de vous. La restitus comme je la pratique n’est pas assez drôle pour que vous vous y amusiez beaucoup. Aussi je n’y mets pas autrement de fatuité et je saisis souvent le moindre prétexte pour vous l’épargner. Ce soir, il n’a tenu qu’à vous d’éviter le pavé de mon amour en restant courageusement auprès de moi au lieu de courir la Jersiaise au clair de la lune comme un simple guilledou que vous êtes. Cela étant, je ne me crois plus obligéeb à aucun ménagement et je vais vous bourrer de style, quitte à vous en faire crever sur place. Cela ne m’empêche pas, gribouillis faisant, de vous remercier de la bonne petite soirée d’hier. C’est grand dommage pourtant que ces excellentes petites gens soient si vulgaires et si loin des habitudes de monde et d’esprit dans lesquelles tu vis. Quant à moi, je me trouve naturellement de plain-pied avec eux mais cela ne m’empêche pas de voir la distance incommensurable qu’il y a de toi à nous. Après cela vous me direz : dans une île tout est bien, même la faune de [biche  ?], pourvu que tu ne te dégoûtes pas de mes pauvres petits dîners à cause de la médiocrité des convives, c’est tout ce que demande : la prochaine fois, ce sera le tour des Asplet [1] si tu le permets. En attendant, je vais fricasser mon cœur dans la sauce d’amour la plus salée qu’il y ait au monde et autre part.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16376, f. 56-57
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « n’en n’ait ».
b) « obligé ».

Notes

[1Juliette et Victor sont amis avec les frères Charles Asplet et Philippe Asplet.

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