10 décembre 1861

Guernesey, 10 décembre 1861, mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit matinal, bonjour, je t’aime, beau jour, je t’adore. Comment as-tu passé la nuit mon grand petit homme ? Bien, je l’espère. Moi aussi, j’ai très bien dormi et je vais très bien ce matin. Il fait un temps ravissant, plus fait pour la promenade que pour les visites mais pourvu que je sois avec toi au champ ou à la ville, chez M^me Duverdier ou ailleurs, peu m’importe. Mon cœur est heureux partout où je suis avec toi et tes yeux sont les vrais soleils de mon âme.
Je crois que j’ai bien fait de dire à M^me Chenay le véritable motif de mon hésitation pour le dîner Marquand. De cette façon, elle ne m’engagera pas plus qu’il ne faut sans le vouloir envers eux. Cher petit homme, vous ne vous apercevez pas que je suis revenue petit à petit à la grande restitus et que je choisis toujours parmi vos copeaux de papier, non les plus propres et les moins chiffonnés, mais les plus longs, les plus larges, les plus grands que je peux trouver à mes risques et périls, sans savoir comment je ferai pour arriver, non pas au bout de mon amour ce qui n’est pas possible, mais au bout de toutes mes petites tracasseries de ménage. Et cependant, Dieu sait que je m’épêche, je m’épêche, je m’épêche, à preuve que je vous aime et que je vous baise au galop de ma plume et sans reprendre haleine, au risque de faire s’épater mon style les quatre fers en l’air… quel malheur !!! Ah ! Que je vous VOUEILLE rire et vous ficher de moi, vilain grand homme !

BnF, Mss, NAF 16382, f. 175
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette