26 novembre 1861

Guernesey, 26 novembre 1861, mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon bon petit homme, bonjour mon ineffable adoré, bonjour.
Tu es déjà à la besogne probablement. Dieu veuille que tu aies passé une bonne nuit et que tu te portes bien ce matin, c’est ce que j’espère et ce que je désire ardemment. Quant à moi, je suis dans une de mes bonnes phases de sommeil, dans ce moment-ci. Je dors avec appétit et en faisant des nuits doubles ; cela durera ce que cela durera, mais j’en profite de mon mieux. Ce n’est pas comme de mon hideux petit papier de ce matin que j’avais pris au verso d’une de tes lettres de Paris pour économiser ton papier, mais ce hideux chiffon se refuse complètement à poser mes pattes de mouches qui s’y enlisent jusqu’au cou, à ce point que je ne suis pas sûre de pouvoir arriver jusqu’à te jeter mon cri suprême : mon Toto je t’adore ! avant que cet affreux papier n’ait tout bu, tout absorbé encre, plume, forme et le reste, heureusement que le reste ne se laisse pas manger par du papier brouillard.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 162
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette