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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 10 janvier 1855, mercredi après-midi, 2 h.

Ah ! mon cher petit homme, quelle bonne gaîté, quelle douce soirée, quel bonheur pour moi quand je ris de ton rire et que j’aspire par tous les pores la vie dont tu vis et que je m’enivre de ton esprit, plus capiteux pour ma pauvre âme que tous les gins des trois royaumes unis. Merci, mon ravissant petit Toto, tu m’as rendue bien heureuse hier en venant me SURPRENDRE, car, vrai, je ne comptais pas sur cette charmante bonne fortune, en raison même de l’excessif désir que j’en avais. Du reste, tout le monde a pris sa bonne part de la SURPRISE agréable, comme tu as pu t’en apercevoir par l’avidité avec laquelle on saisissait toutes les plaisanteries qui tombaient de ta chère petite bouche. Il n’est pas jusqu’à Féau [1] qui n’ait été goûtée parmi toutes ces DÉLICIEUSES broutilleries spirituelles, galantes et épicées. Et puis Mlle Allix est une aimable convive, de bon appétit et de bonne humeur, qui fait honneur aux bons morceaux et aux bons mots sans faire la petite bouche et le plus agréablement du monde. Il n’est pas jusqu’au bonhomme Durand qui n’ait essayé de mordre à ces friandises toutes chaudes au risque de se brûler ses babines démagogiques. Enfin tout le monde a eu sa bonne petite ration de plaisir, la mienne augmentée de tout mon amour. Merci, encore une fois, mon cher petit adoré, mon seul ROI [2], en dépit de la POLITIQUE qu’on m’a forcée à simuler una autre choix hier au soir. Mais quelle qu’aitb été l’épaisseur du pseudonyme, ma préférence est restée assez transparente pour ne tromper personne.
J’espère, mon cher petit homme, que tu as passé une bonne nuit et que rien n’a troublé ta digestion pas même le POULET de Féau et que tu te seras privé des tortillonneries de l’insomnie malgré l’IDOLE de TON ÂME et les agaceries de la prima ASSOLUTA [3] de DON CARLOS UGO. J’attends avec impatience que tu viennes m’édifier sur tout cela. Jusque-là je vous baise comme le plus Amadis [4] et le plus fidèle des Toto. Voime, voime, il n’y a que la foi qui sauve.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 20-21
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
[Souchon, Massin, Blewer]

a) « une »
d) « quelqu’ait »

Notes

[1On a donné la lecture du « poulet » que Juliette a reçu de Céleste Féau la veille.

[2La veille au soir, Hugo est venu tirer les rois chez Juliette.

[3Augustine Allix.

[4Amadis de Gaule, héros de roman de chevalerie.

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