26 mai 1882

Paris, 26 mai 1882, vendredi matin, 7 h. ½

Dors, mon bien-aimé, complète ta nuit pendant que je commence ma journée en t’aimant et en m’occupant de toi. Je viens déjà de lire une lettre charmante de Burty et un article de lui dans La République Française [1] sur tes dessins qu’il admire en homme qui s’y connaît et qui t’aime, ce qui est tout un. Tout à l’heure je dépouillerai ta correspondance et je verrai ce que contiennent les journaux extras arrivés hier soir et ce matin. Tu n’auras Sénat que demain samedi à 2 heures. Programme laconique et peu alléchant du reste. Si tu pouvais faire pour le pauvre Pelleport ce que tu as promis de faire pour sa douce et poétique mémoire depuis déjà plus d’un an [à] la pauvre mère qui l’attend et à ses amis, aussi, ils t’en seraient bien reconnaissants. Quant aux malheureux juifs [2] tu t’es entretenu hier soir avec leurs mandataires, à ce qu’il m’a semblé, aussi je ne t’en parle que pour raviver ton souvenir à ce sujet.
En ce moment j’assiste à la chasse d’un perroquet échappé qui fait, paraît-il, l’école buissonnière depuis hier soir dans ton jardin et dans ceux alentour^a, sans vouloir se laisser prendre. Les enfants, les passants, les ouvriers sont à sa poursuite au risque de se casser bras et jambes dans les arbres pendant que je laisse courir mon cœur après toi sur mes pattes de mouche^b.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16403, f. 95
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « alentours ».
b) « mouches ».