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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 mars [1839], samedi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon pauvre bien-aimé. Comment vas-tu, comment vont tes yeux ? Heim, si j’avais compté sur vous cette nuit, QUELa NEZ [1]. [dessinb] Heureusement ou plutôt malheureusement je ne crois plus à vos promesses quand elles sont faites pour du bonheur et de l’amour. Taisez-vous, vieux vilain, et baisez-moi, ça vaudra mieux.
Je voudrais déjà savoir si Mme Krafft a entre les mains la lettre que j’ai eu la bêtise de donner à Gérard. Ce que je crains depuis que tu m’y asc fait penser, c’est que Mme Krafft n’ayant aucun argent n’ait pas pu la payer et par conséquent que ça nous laisse longtemps dans l’inquiétude. Ce sera encore le Joly qui nous vaudra ça : que le diable l’emporte, lui et sa boutique. Je suis furieuse et il y a bien de quoi. Cet homme-là sera cause du malheur de ma vie. Je suis bien triste, va, et bien malheureuse. Aime-moi, je t’aime, mon Toto, et de toute mon âme. Jour papa. Il fait bien beau, voime, voime, un froid de chien et le temps noir comme un loup. Cependant, si vous pouvez sans vous déranger de votre travail, me mener chez la mère Pierceau, vous ferez bien, attendu que je suis sans un sou, que c’est aujourd’hui les gages de la bonne, etc., etc. Donnez votre vec encore toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 243-244
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « QUELLE ».
b) Dessin d’un nez :

© Bibliothèque Nationale de France

c) « a ».


9 mars [1839], samedi soir, 9 h. 10 mn

La petite fille, mon Toto, n’a pas pu voir Mme Krafft mais unea après, son portier m’a apporté 2 rouleaux de 200 F. chaque, plus une petite lettre dans laquelle elle me dit qu’elle vient seulement de recevoir l’argent mais sans me parler du tout de Gérard. Mme Pierceau ira demain en allant à la messe et m’apportera ou la fameuse lettre ou du moins une réponse quelconque sur ce que Gérard a dit et fait. En attendant j’ai rendu sur l’argent le 12 F. 20 de votre cravateb à Mme Pierceau et puis je vous prie de ne pas trop m’en vouloir de ma bêtise, c’est pas ma faute. Une autre foisc j’apprendrai les PARALAXES et je ne ferai plus de nigaudineries. En attendant, soyez très bon et très indulgent. Je vous dis que vous êtes mon bijoud bien-aimé. Dans ce moment-ci on donne une soirée chez la voisine et nous entendons des sons presque aussi harmonieux que ceux d’une corde à puits mal graisséee. À propos, Mme Pierceau a cru que tu avais la colique et c’est pour ça qu’elle vous a donné du papier doux comme un mouton, ce qui lui fait pousser des cris de regret assez semblables à des hurlementsf. Voilà ce que c’est que les attentions délicates : on n’en est jamais récompensé. Moi, c’est différent, je vous aime de mon amour le plus doux et vous n’y répondez pas plus qu’un vieux morceau de bois pas allumé. Je vous adore, entendez-vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 245-246
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) Le déterminant n’est suivi d’aucun substantif.
b) « cravatte ».
c) « autrefois ».
d) « bijoux ».
e) « graissé ».
f) « hurlemens ».

Notes

[1« Nez », ou « Nez de carton » : mystification.

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