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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mars 1839

3 mars [1839], dimanche après-midi, 1 h. ½

C’est avec toutes les croisées ouvertes que je te donne le bonjour, mon cher adoré : il me semble que ma pensée t’arrivera plus vite. Quel beau temps, mon Toto, et comme nous serions heureux si nous pouvions en profiter ensemble et librement ! Il me semble et je suis sûre que cela me guérirait. J’ai passé une assez mauvaise nuit et je souffre beaucoup ce matin. Mais tout cela ne serait rien si nous pouvions jouir de l’air et du soleil sur quelque grande route éloignéea de Paris. Hélas ! Hélas ! Hélas ! Ça n’est pas possible. Il paraît que la veuve de Saint-Firmin a l’intention de t’aller remercier elle-même, du moins à ce qu’elle a dit à la bonne. Pauvre femme, je comprends ça.
Tu sauras, mon adoré, que j’ai rêvé SALON et PORTRAIT toute la nuit. Je ne sais pas comment je ferai pour attendre que Boulanger ait fait sa copie. Encore, si pour me faire prendre patience, vous me donniez la petite médaille en question, mais vous n’y pensez pas seulement et je suis obligée de me passer de tout, c’est bien triste, allez, et vous avez peut-être tort de me soumettre à un régime si rigoureux.
Je vous écris sur du grand papier, mon adoré, parce que Mme Pierceau vient dîner et si par hasard vous aviez la bonne intention de me faire sortir ce soir un peu, je ne veux pas laisser de dette ni de regret derrière moi. À propos, la bonne a eu l’attention délicate de m’acheter un bouquet de violettesb d’un sou à son marché. Dans le cas où il vous porterait le moindre ombrage, je le dépose à vos sacrés pieds. Je voudrais que vous en fassiezc autant aux miens de tous les dons féminins et mystérieux que vous recevez, mais vous n’êtes pas si bête, je voulais dire si amoureux. Enfin, c’est comme ça : c’est moi qui suis le pauvre oiseau isolé et battu et c’est vous qui êtes le lion rugissant et victorieux. Chacun est à sa place mais j’aimerais mieux la vôtre. Comment vont tes yeux adorés, mon Toto, ils étaient bien rouges hier au soir, pourvu que tu ne les aiesd pas trop fatigués. Je t’aime, mon bien-aimé, je t’adore, mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 221-222
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « éloigné ».
b) « violette ».
c) « faisiez ».
d) « ai ».

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