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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 21 novembre [18]64, lundi matin, 7 h. ¼

C’est affaire à toi, mon cher petit matinal, et l’aurore aux doigts de rose [1] n’est qu’une vieille roupillarde comparée à toi. Je te salue à travers le jour douteux et la brume et je baise des yeux ton cher petit signal blanc. C’est tout ce que je peux faire pour le moment car je suis en proie à un éternuement furibond auquel je ne sais à quoi entendre. Ah ! bon m’y voilà. Mon nez est rentré dans l’ordre. Ton réveil matin n’a pas lieu de m’inquiéter, AU CONTRAIRE, puisque tu m’assures que c’est toujours la suite et la preuve d’une bonne nuit. Cette certitude me réjouit le cœur et l’âme et me rend tout beau, tout gai et tout charmant au-dedans et au-dehors de moi. Je regarde passer les bateaux à voile qui se dirigent de ton côté et j’y attache ma pensée dans l’espoir que tu la remarqueras peut-être si tes yeux la rencontrent flottant au grand mât. Je sens que je te dis bêtement la chose la plus tendre de mon âme mais je compte sur toi pour démêler mes pauvres idées embrouillées par trop d’amour.
Encore une matinée splendide qui se terminera probablement par un après-midi hideux comme cela a lieu depuis huit jours. Dans le cas où il en serait autrement, je réclame mon tour de promenade à cor et à cris. Ainsi attendez-vous à me traîner zavec vous tantôt pour peu qu’il ne pleuve pas des zallebardes. En attendant le soleil qui s’est levé depuis que je gribouille ma restitus me poursuit dans tous les coins de mon lit et je ne sais plus où me fourrer pour éviter ses rayons. Je t’embrasse au galop et je fiche un camp rapide.

J.

BnF, Mss, NAF 16385, f. 242
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Épithète homérique. « Dès que parut Aurore aux doigts de rose, qui naît de grand matin, j’envoyai mes compagnons au manoir de Circé, pour emporter le corps sans vie d’Elpénor ». (Homère, « Chant XII », L’Odyssée, Paris, Garnier Frères, p. 175).

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