4 décembre 1858

Guernesey, 4 décembre 1858, samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour. Je t’aime. Es-tu un peu reposé ce matin ? Je crois avoir vu ta chère petite ombre hier au soir au moment où j’allumai ma veilleuse. Je l’ai baisée des yeux et de l’âme puis je suis allée me coucher dès que ta lumière s’est éteinte. J’espère que tu as bien dormi et que LA FOLLE DU LOGIS [1] se sera tenue tranquille cette nuit, ne fût-ce^a que le temps de ton sommeil. Quant à moi, j’ai eu quelque semblant de gargouillade qui n’a abouti^b à rien qu’à me tenir un peu plus éveillée encore que de coutume. Telle est ma situation, mais je ne m’en plains pas si tu vas bien et si tu es un peu moins fatigué qu’hier. Pauvre adoré, cela ne t’empêche pas de trouver encore du temps et des forces pour être adorablement bon pour tout le monde, témoin ta visite hier à cet excellent docteur que cette preuve de sollicitude de ta part doit toucher jusqu’au fond du cœur. Du reste, le pauvre homme ne me paraît pas gâté du côté de la reconnaissance, à en juger par les petits cancans de sa petite belle-sœur. Cela m’a étonnée et attristée autant que toi-même et je ne croyais pas cette petite personne si ingrate et si sotte car il y a autant de stérilité d’esprit que de sécheresse de cœur dans son petit bavardage. De tout cela, il ressort, mon adoré bien-aimé, que tu es aussi grand par la bonté que par le génie et que je t’aime à l’adoration.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 337
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».
b) « aboutit ».